« L’homme a été créé avant les frontières, donc aucune frontière ne doit l’arrêter »

Jorge Sánchez

Cette frontière est réputée pour être la plus corrompue d’Asie du Sud-Est. Plusieurs voyageurs m’avaient mis en garde. Je m’attendais donc à galérer et à négocier, mais pas à ce point là… Une très longue journée avec beaucoup d’anecdotes et d’imprévus !

Via une agence, on avait acheté un billet combinant tous les bus qu’on devait prendre au cours de la journée. Un conseil : ne faites pas ça, vous verrez pourquoi par la suite !

1ère étape : le trajet pour rejoindre la frontière

Toujours en compagnie de Marion et Seb, on part de Don Det à 8h30 le matin en pirogue à moteur pour rejoindre le continent.

A la station de bus, un type avec un discours bien rôdé propose à tout le monde de payer 40 dollars et qu’en échange, il s’occupe de toutes les démarches aux postes frontières. Les 3/4 des gens tombent dans le panneau et donnent leurs passeports et l’argent. Mais le visa coûte 30 dollars ! Les douaniers et lui se partageront l’argent en plus… On refuse et on dit qu’on se démerdera sans lui.

On prend ensuite un van en direction de la frontière, à seulement 20km. Nous y voilà, prêt à en découdre avec les douaniers !

2ème étape : le poste frontière du Laos

On a tous nos visas et on est en règle. Les douaniers demandent 2 dollars pour faire le coup de tampon de sortie du territoire. C’est bien sûr totalement illégal. Un groupe de français arrivé en premier monopolise les guichets et refuse de les payer. Ils ont raison et essayent de faire pression sur les douaniers. Après une bonne demie-heure ainsi, quelques voyageurs dans la queue commencent à s’impatienter.

D’autres guichets s’ouvrent car la file s’allonge. A notre tour, on choisi la technique de négocier la corruption. On propose de payer 1 dollar chacun seulement. Le douanier va voir son boss, et revient 10 minutes après pour nous dire que c’est OK. On glisse le billet discrètement dans les passeports et on obtient notre tampon de sortie du territoire.

On rejoint le poste frontière cambodgien à pied, à seulement 200m. Et là, le combat de boxe prend de l’ampleur !

3ème étape : le poste frontière du Cambodge

        – La « visite médicale » :

Une dame dans un kiosque nous interpelle et nous demande de remplir un formulaire santé. C’est la visite médicale, et ça non plus ce n’est pas prévu dans la loi… La « visite » est en fait juste un formulaire bidon et elle prend ta température à 2 mètres de toi et te dit que tu as 34 de température (euh, y a pas un problème madame ?!).

Heureusement, j’ai mon carnet de vaccination international et je n’ai pas à payer cette visite (1 dollar). Mais tous ceux qui ne l’ont pas doivent payer.

        – Le bureau des visas :

On arrive ensuite au bureau des visas. D’emblée, on leur donne tous les documents et 30 dollars (le prix du visa cambodgien). Le gars derrière son bureau nous jette à la figure nos passeports et nous annonce que c’est 35 dollars. On proteste et lui dit que pour les français, le prix est de 30 dollars. Il s’énerve vite et commence à hurler et ferme son guichet. Le ton monte entre lui et un autre voyageur. Un gars en uniforme intervient, mais il est encore plus agressif. Il hurle et nous dit que nous ne sommes pas de « bonnes personnes ». Euh connard, tu es corrompu et tu passes ta vie à escroquer des gens, et c’est nous les mauvaises personnes ?!

La plupart des voyageurs payent les 35 dollars, car ils ne veulent pas louper le bus qui les attend (d’où l’intérêt d’acheter un seul ticket pour aller à la frontière, et de là acheter un autre ticket pour être plus flexible). Une fois ces 35 dollars payés, il y a un autre guichet pour faire une photo et les empreintes où on doit payer 2 dollars de corruption de nouveau. Mais on ne veut rien payer. Qui sont les voyageurs refusant de jouer le jeu des douaniers ? Les français ! On était une vingtaine à rester dans le hall et refuser de payer le bakchich.

La situation n’évolue pas. On essaye de parler mais à chaque fois, la situation dégénère avec ces décervelés qui s’énervent vite. Ils nous crient dessus et ont l’air menaçant pour essayer de nous impressionner et de faire peur. Mais en bon français, on est têtus donc on ne se dégonfle pas !

Ils commencent à faire du bluff en fermant les guichets, en nous disant qu’ils vont manger et qu’ils reviendront tard dans l’après-midi. On ne les croit pas du tout. Ils reviennent peu de temps après en constatant qu’on est toujours là.

        – L’intervention d’un chauffeur de bus :

Après 3 heures (!) de face à face électrique, un chauffeur de bus arrive. Il parle anglais et c’est donc lui qui organise le trajet pour tous les voyageurs en transit.

Il nous annonce que tous les bus partent dans pas longtemps et qu’ils ne nous attendront pas. On lui explique qu’on veut juste nos visas avec le tarif légal, et dès qu’on l’a, on est prêt à partir. Et oui, car tous ceux qui ont accepté la corruption attendent dans le bus et s’impatientent !

Il parle avec les douaniers et nous informe qu’ils nous font un prix à 32 dollars (comprenant le visa, les photos et les empreintes). On paye ainsi 2 dollars de corruption, au lieu de 7.

On hésite… Plusieurs voyageurs rencontrés auparavant ont loupé le bus à force de s’entêter. On a payé 22 dollars notre ticket de bus donc on ne veut pas les perdre. On accepte finalement la proposition de payer 32 dollars.

Une fois fait, ce chauffeur de bus s’éclipse sans qu’on le remarque.

La procédure prend du temps. Les douaniers se font un plaisir de mettre un temps interminable juste pour mettre un coup de tampon. Puis, on doit faire la queue pour la photo et les empreintes. Le gars est tellement énervé de ne pas avoir ces 2 dollars de corruption pour lui qu’il nous parle comme des chiens.

Une fois tout ça fait, on est tout de même soulagé.

4ème étape : le trajet vers Banlung

On est censé retrouvé un bus à la sortie du poste frontière. Problème : il n’y a plus aucun bus. Le chauffeur s’est bien foutu de nous et s’est arrangé avec les douaniers pour nous mettre dans la merde. Je vous laisse imaginer à quel point on était énervé… On l’a insulté de tous les noms, tout comme un des douaniers qui passaient devant nous en scooter.

Seule solution : acheter un nouveau ticket de bus vers Banlung

On est 7 à faire ce trajet, donc on négocie un prix à 10 dollars par personne. Là, un van sortit de nul part arrive. On monte dedans et c’est parti. On quitte enfin cette frontière de mer**.

Dans le van, on a tous l’impression de s’être bien fait avoir. On est persuadé que c’était de toute façon ce van qu’on devait prendre, qui était inclus dans notre ticket combiné. Le chauffeur se serait donc fait 70 dollars d’argent de poche, en collaboration avec les douaniers. Mais trop tard, et on est trop fatigué pour protester de nouveau.

La théorie du complot dévoilée

C’est une corruption organisé et tout le monde est dans le coup : les douaniers, les chauffeurs de bus, les vendeurs de tickets… Ce n’est pas de la paranoïa ou une théorie du complot : c’est bien vrai !

Le van nous amène à une première ville, où l’on change pour une sorte de grand break. Le chauffeur est super sympa. C’est le premier cambodgien avec qui on a un bon contact donc ça fait plaisir ! Il a fait le trajet en un temps record, grâce à une conduite sportive. « Euh, il roule qu’à 70 pourtant. Ah non, c’est indiqué en milles, donc il roule à 120-130… ».

On arrive à destination vers 17h après une longue journée, durant laquelle j’ai choppé une insolation.

Les douaniers ne donnent pas une bonne image du pays. On avait qu’une seule envie : partir au plus vite de ce pays… Mais il faut savoir passer à autre chose.

Welcome to Cambodia !

Catégories : CambodgeLaos

3 commentaires

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