« Les souvenirs d’un homme constituent sa propre bibliothèque. »

Aldous Huxley

Changement de décor aux Philippines : fini les plages et l’eau turquoise, direction les montagnes du nord de l’île de Luzon ! Les rizières en terrasses sont un autre symbole du pays, classées au Patrimoine Mondial de l’UNESCO et surnommées la « 8ème merveille du monde ».

Je quitte l’île de Palawan en avion de nouveau pour me rendre à Manille, la capitale. Je ne m’y attarde pas et prends un bus de nuit le même jour. 7 heures d’attente au terminal de bus… Mais je me voyais mal visiter la ville avec mon gros sac sous la chaleur !

Durant cette longue attente, j’ai rencontré Syrielle, une française en vacances aux Philippines. D’ailleurs, il n’y a que des français qui vont à Banaue ! C’est assez incroyable car c’est un endroit mondialement connu pourtant.

Bonne pioche

J’arrive dans ce gros village au petit matin. Sur conseils d’autres voyageurs, je me loge au Querencia Hotel, le meilleur rapport qualité / prix que j’ai trouvé aux Philippines, avec une gérante adorable. Pour 250 pesos (soit moins 4 euros), j’ai ma chambre et salle de bain privée avec grand lit double (et 4 oreillers) !

Évidemment, pour ce prix là, il n’y a pas la belle vue sur les rizières. Du balcon, on voit le marché et l’activité qui s’y déroule comme le chargement de cochons vivant sur le toit des jeepney (des énormes jeep servant de transport public).

Philippines banaue jeepney marché

Ça vaut son pesant d’or

Il fait beau en ce premier jour et on décide avec Syrielle d’en profiter. Le temps est assez instable ici et il peut pleuvoir plusieurs jours d’affilés parfois.

Malgré la fatigue, on fait une rando de 10km pour se rendre à différents points de vue. C’est la bonne saison pour visiter la région d’Ifuago, puisque les rizières sont bien vertes. Et quand je dis vert, c’est vraiment un vert éclatant ! Ce paysage est tellement incroyable qu’il apparaît sur les billets de 20 pesos.

Philippines Banaue viewpoint rizières

Ce sont les rizières les plus vieilles au monde, datant de plus de 2 000 ans. Les tribus Ifuago (signifiant « gens de la montagne ») les entretiennent depuis toujours grâce à un savoir-faire ancestral et un système d’irrigation des plus ingénieux. Toute l’eau de la forêt tropicale d’altitude est acheminée via des canaux qui serpentent sur les montagnes de la Cordillère des Philippines.

Philippines Banaue viewpoint rizières

Pilote en bois

En chemin, on a aussi pu découvrir leur maîtrise concernant le travail du bois. Ils fabriquent de nombreuses statuettes, mais aussi des vélos tout en bois que les enfants utilisent. J’ai essayé ces deux-roues mais c’est sacrément casse-gueule. Il n’y a pas de pédales donc on en fait uniquement en descente. Je n’ai pas insisté car je suis sûr que j’aurai fini par terre !

Philippines Banaue

Les choses sérieuses commencent

Le lendemain, place au vrai trek de 2 jours. On part avec un guide local, Kenneth, âgé de 42 ans mais paraissant mon âge ! Il est né dans un petit village à côté de Banaue. Il a travaillé dans les rizières quand il était plus jeune, puis est parti à Manille pour être agent de sécurité avant de revenir sur sa terre natale pour devenir guide.

Philippines rizières trek Banaue batad

1er jour du trek : Banaue – Pula – Cambulo

On prend un tricycle (le tuk-tuk philippin) pour rejoindre le début du sentier. On repasse par les points de vue de la veille. Même si on les a déjà vu, on ne s’en lasse pas !

Les deux premières heures de marche se font à travers la forêt où vivent de nombreuses espèces d’animaux. On y trouve des serpents plus ou moins sympas comme des pythons ou des cobras, mais impossible à voir.

Philippines rizières trek Banaue batad

On arrive au minuscule village de Pula pour le déjeuner. Il y a une dizaine de maisons surplombant une rivière où des enfants se baignent et s’amusent. D’autres randonneurs arrivent, uniquement des français !

Les paysages de rizières commencent juste après ce village.

Philippines rizières trek Banaue batad

On emprunte un chemin qui passe à travers celles-ci. Ce n’est pas vraiment un sentier mais plutôt le rebord des terrasses. C’est parfois un peu étroit pour marcher et c’est dur de regarder ses pieds alors que le paysage est si beau !

Philippines rizières trek Banaue batad

Malheureusement, on apprendra qu’une française a fait une mauvaise chute. Elle a atterri sur une terrasse 2 mètres plus bas, en tombant sur le dos. Elle a été évacuée à l’hôpital mais rien de très grave apparemment.

On se dirige vers notre étape du soir, Cambulo. En chemin, Kenneth nous explique le fonctionnement et l’histoire des lieux. Chaque familles possèdent des rizières mais tout le monde s’entraide pour les exploiter. Le riz récolté sert à nourrir les gens de la région évidemment, mais une partie est aussi exportée via une coopérative.

Philippines rizières trek Banaue batad cambulo

Les gardiens du village : coqs ou Jéovah ?

Cambulo a conservé quelques maisons traditionnelles, contrairement à Banaue où le béton est de rigueur désormais. 200 personnes vivent ici, et autant de coqs je pense ! Il y a une petite église, un terrain de basket-ball, et une salle des témoins de Jéovah..! Aucune route n’y parvient, le sentier qu’on a emprunté étant le seul moyen de se rendre au village.

On arrive en milieu d’après-midi ce qui nous laisse le temps d’aller se baigner dans la rivière. On loge dans une auberge avec les autres randonneurs rencontrés le midi. Très bonne ambiance autour de la table où on mange tous ensemble.

2ème jour du trek : Cambulo – Batad – Banga’an – Banaue

Comme il fallait s’y attendre, je suis réveillé à 5h30 à cause des coqs. Ça me donne envie de manger du poulet matin, midi et soir pour les exterminer !

On commence à marcher à 8h30 et il fait déjà chaud. Mais on ne va pas se plaindre, on est chanceux d’avoir une météo si parfaite !

Le chemin monte et descend pendant 2 heures jusqu’à Batad, un village très connu dans la région. Il est totalement entouré de rizières.

Philippines rizières de batad

Ce sont les plus belles rizières que j’ai vu en Asie, ça ne fait aucun doute. Même celles du Viêtnam ne peuvent rivaliser ! Il y en a partout, jusqu’en haut des montagnes. D’ailleurs, si on mettait toutes les rizières de la région les unes à la suite des autres, elles feraient 20 000 km de long !

Philippines rizières de batad

Un modèle de développement durable

Ce qui m’impressionne le plus est la vieillesse de ces terrasses : 2 000 ans ! L’agriculture est bio ; aucun produit chimique n’est utilisé. Donc après 2 millénaires d’utilisation, la terre est encore fertile et en bon état. Ajouté à cela un bon système pour répartir les gains entre les familles et on obtient l’exemple parfait de développement durable. Que ceux qui ne croient pas en la possibilité de nourrir des millions de personnes en respectant la Terre viennent faire un tour par ici !

Malheureusement, cette agriculture modèle est menacée aujourd’hui par l’exode des jeunes vers les villes. Les autorités espèrent que l’inscription à l’UNESCO va permettre de débloquer des fonds et de relancer ce travail de la terre. Il est primordial de ne pas perdre le savoir-faire pour conserver en bon état les rizières. Sinon, les locaux perdront leur ressource alimentaire principale mais aussi les bénéfices liés au tourisme.

Philippines rizières de batad

On descend toutes ces terrasses pour aller se rafraîchir à une cascade et manger. Ça fait du bien mais le problème est que l’on doit remonter tous ces escaliers ensuite. On perd plusieurs litres d’eau !

On profite une dernière fois de cette vue magique sur Batad avant de rejoindre la route.

Philippines rizières de batad

Fin du trek en tricycle

Un tricycle nous attend pour aller à Banga-An, le village où vit notre guide. Il est niché au fond d’une vallée et devinez quoi ? Oui oui, il est aussi entouré de rizières en terrasses ! On pourrait penser que ça fait tout de même beaucoup de « rizières » mais on reste toujours impressionné de les voir.

Philippines rizières de Banga-An

Retour ensuite à Banaue et fin du trek ! Tout a été parfait : la météo, les voyageurs rencontrés, le guide (son contact : tayabank@gmail.com)… Je ne pouvais rêver mieux !

Syrielle prend un bus de nuit le soir-même. J’aime tellement cet endroit que je vais rester 2 jours de plus !

Après une bonne nuit de sommeil, je me balade le lendemain dans les environs de Banaue. Il y a des chemins un peu partout et vu que je n’ai pas de carte ou de guide, je fais attention de ne pas trop m’éloigner non plus. Je n’ai pas fait une longue rando car les mollets tiraient un peu tout de même.

Des croyances qui perdurent

L’après-midi, je rencontre un guide dans un petit resto avec qui j’ai parlé pendant 2 heures. Il est très intéressant et passionné par la culture et les traditions de sa région, très différente du reste des Philippines. Un exemple tout bête : c’est la seule province où les gens mâchent le bétel (le tabac mélangé à des épices et herbes qu’on retrouve aussi au Népal, au Myanmar, en Inde…). Également, plusieurs dialectes sont encore parlés par les ethnies peuplant ces montagnes.

Les croyances sont différentes du fait de l’Histoire également. Les colons espagnols n’ont jamais réussi à contrôler cette région et donc à y imposer le christianisme. Il a fallu attendre l’envoi de missionnaires US après la seconde guerre mondiale pour que les premières églises soient construites. Mais les locaux n’ont pas oublié leur croyance d’origine, basée sur les esprits et la Terre-Mère. Ça me rappelle fortement les croyances andines d’Équateur, du Pérou ou de la Bolivie où les gens ont mélangé la religion chrétienne avec les croyances incas (Terre-Mère, le soleil, la lune…).

Chamanisme inatteignable

Il y a encore des chamans dans certains villages des montagnes. Malheureusement, mon visa expire dans quelques jours et je dois quitter le pays. J’aurais aimé bénéficier d’un peu plus de temps pour tenter d’en rencontrer un. Ces hommes et leurs connaissances sans limite me fascinent depuis mon expérience en Amazonie.

J’ai voulu louer un scooter pour explorer plus facilement les environs mais je n’ai trouvé qu’une seule personne à Banaue pouvant m’en fournir un, à un prix assez délirant. Tant pis !

Mais je dois quitter cet endroit fabuleux le 4 mai au soir pour retourner à Manille.

Ma bibliothèque ineffaçable

Les environs de Banaue sont exceptionnels… C’est pour moi un incontournable des Philippines et un souvenir qui restera gravé.

D’ailleurs, mon papa m’a posé une question : « as-tu assez de place dans ta tête pour y stocker tous ces fabuleux décors de carte postale ? ». C’est une bonne question en effet. Pour avoir la réponse, je me suis amusé à parcourir sur mon blog les noms des articles que j’ai écrit. Le but était de me remémorer ce que j’avais fait, les rencontres, les paysages… La réponse est simple : je me rappelle absolument de tout depuis mon premier voyage qui avait commencé à Cuba. Le nom du parc national, le petit village perdu au milieu de nulle part, les paysages, la forme des visages et l’expression des regards… Tous ces détails constituent ma propre bibliothèque, ineffaçable et que je garderai précieusement à vie.


3 commentaires

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