« Les hauts sommets qui m’entourent semblaient dire qu’ils n’étaient là que pour défier l’homme. Et que l’homme n’existait que pour accepter l’honneur de ce défi »

Paulo Coelho, dans le livre « Le Pèlerin de Compostelle »

Après 5 jours de repos pour me remettre du trek de l’Everest, c’est reparti pour une autre aventure dans l’Himalaya ! J’ai choisi la région du Langtang pour ce troisième et dernier trek de ce voyage au Népal.

Une région dévastée

Avant le tremblement de terre en avril 2015, c’était la 3ème région la plus visitée, après l’Everest et les Annapurnas. Mais cette catastrophe a modifié la donne. Le Langtang a été la région la plus touchée par le séisme. Le village de Langtang par exemple a été totalement rayé de la carte, enseveli sous des dizaines de mètres de roches et de glace. Sur les 800 habitants que comptait le village, plus de la moitié ont disparu.

Ce qui s’est passé a été un véritable cataclysme. Plus de 6 000 morts au Népal, 14 000 blessés, et 8 millions de sinistrés (pour une population totale de 29 millions). Des dommages colossaux vu la faible résistance des infrastructures, et des pertes économiques importantes, avec une grosse chute du tourisme (principal revenu du pays).

Faire ce trek était donc pour moi un moyen de découvrir une nouvelle région bien sûr, mais aussi une manière d’aider les habitants à mon échelle.

Jour 1 : Kathmandu – Dhunche (1 950m)

On commence par le plus chiant pour ce trek. La journée de bus pour aller au point de départ !

Direction la Gongabu Station, la station des bus locaux. Évidemment, un beau bordel et difficile de savoir quelle compagnie de bus se rend à Dhunche. Mais les Népalais sont toujours prêts à aider, et je n’ai pas mis trop de temps à acheter le ticket de bus.

Même plus peur !

Des routards rencontrés précédemment m’ont averti que le trajet est assez éprouvant. J’ai donc opté pour un bus « Deluxe ». Ce n’est pas le luxe, contrairement à ce que laisse penser le nom. C’est juste que ce bus, contrairement aux autres, ne fait pas d’arrêt toutes les 20 minutes pour déposer ou récupérer quelqu’un. Pour seulement 1 euro de plus, donc pas d’hésitation !

Départ à 8h. Sur la route qui nous mène à Dhunche, nous passons par plusieurs points de contrôles de la police et de l’armée. Sans doute parce que c’est la route qui mène vers le Tibet. Au final, nous aurons fait les 110 km en moins de 8 heures, ce qui est très rapide pour le Népal !

Et comparé au trajet Jomsom – Tatopani que j’ai fait pendant le trek des Annapurnas, ce trajet a été de la rigolade ! Même pas eu trop peur ; peut-être que je m’habitue à la dangerosité des routes népalaises. Je me suis même permis le luxe de faire une petite sieste après la pause déjeuner !

Bref, bien arrivé à Dhunche ; ville sans aucun intérêt, qui s’étire le long de la route. A l’entrée, un dernier contrôle militaire, où l’on peut acheter notre droit d’entrée dans le parc du Langtang (encore 30 euros à payer…). Un militaire me demandera même d’ouvrir mon sac pour le fouiller. C’est bizarre comme ambiance !

Les guesthouses ici sont toutes pourries et sales. Un israélien qui était dans le bus me propose de partager une chambre, ce que j’accepte volontiers. Mais j’ai vite compris qu’il ne cherchait pas un partenaire de trek. Il s’est barré manger dans son coin, et on n’a pas beaucoup causé. Comme la plupart des israéliens, c’était un abruti ! Pas grand monde peut les blairer, car ils sont souvent irrespectueux. Mais pour leur défense, ils sortent tous de 2 ans de service militaire obligatoire pendant lesquels leur gouvernement d’extrême-droite leur bourre le crâne de conneries.

Jour 2 : Dhunche (1 950m) – Cholangpaty (3 584m)

Je pars donc seul le matin à 8 heures pour démarrer ce trek. Content de quitter Dhunche et d’aller m’isoler dans les petits villages de l’Himalaya !

Mais c’est une journée difficile qui m’attend. Pas d’étape de chauffe pour ce trek ! Je commence à monter progressivement à travers la forêt, en passant par Deurali et Dimsa. J’y rencontre un couple de français, Camille et Pauline. On sympathise rapidement, et je poursuis donc ma route avec eux.

On marche beaucoup plus vite que les temps que j’avais lu dans le Lonely Planet. Nous arrivons à Shin Gompa, à 3 330m, à 11h30. On avait tous prévu de s’arrêter dormir ici, mais vu l’heure, on décide juste de manger et de continuer.

Le prochain village, Cholangpaty, n’est qu’à 1 heure de marche. 1 600m de dénivelé positif pour cette première journée. Pas mal !

Il n’y a que 2 lodges, dont un qui est fermé car la haute saison touche à sa fin. Impossible donc de négocier comme sur les treks précédents pour avoir la chambre gratuite. Mais les prix sont faibles, entre 200 et 300 roupies pour une chambre (2 euros).

S’arrêter ici a été une bonne idée, puisqu’il y a un point de vue à seulement 10 minutes. On y va pour admirer le coucher de soleil. Au loin, la chaîne de montagnes des Annapurnas, et plus près, celle du Langtang.

Le soir au lodge, on rencontre Stéphane, un français de 50 ans vivant au Québec depuis plus de 20 ans. Il est super cool, et notre équipe francophone s’agrandit du coup !

Jour 3 : Cholangpaty (3 584m) – Gosaikunda (4 380m)

Second jour de marche et on continue de monter, sans faire d’étape d’acclimatation car tout le monde se sent bien.

On dépasse la barre des 4 000 mètres, et comme toujours, la végétation disparaît. Et plus on monte, plus on en prend plein la vue !

Depuis le village de Laurebina, on voit les Annapurnas, le Manaslu (8 163m), la chaîne du Ganesh, et surtout, les montagnes du Tibet ! On aperçoit la route au loin qui monte en zigzag vers le poste frontière, que je peux voir en zoomant à fond avec mon appareil photo. Je suis une fois de plus tout proche du Tibet. Un coin du monde que j’ai envie de visiter absolument un jour !

Népal Trek de Gosainkunda Laurebina

La montée continue après Laurebina. Le chemin suit un flanc de montagne et les premiers lacs apparaissent.

On arrive à Gosaikunda vers 11 heures, à près de 4 400m. Comme la veille et les prochains jours, seulement un lodge d’ouvert. Heureusement pour nous, il y a peu de trekkeurs ici, donc aucun problème pour trouver de la place. Et 75% de ceux qu’on a rencontré sont français ! Mon impression de l’Amérique du Sud se confirme : dès qu’on sort des gros circuits, on rencontre beaucoup de routards français.

Népal Trek de Gosainkunda village

Vu qu’on arrive tôt, et que souvent les nuages arrivent l’après-midi, je pose mon sac et décide de monter directement au point de vue au-dessus du village, à 4 640m (le plus haut point de ce trek). La vue y est splendide avec les lacs en bas.

Népal Trek de Gosainkunda panorama

Je suis sur la crête, avec une vue à 360° sur les montagnes qu’on apercevait déjà en montant.

D’un côté, un versant exposé au soleil sans neige. Et de l’autre, le versant pas assez exposé recouvert d’environ 20 cm de neige. La séparation entre les deux est flagrante et le contraste de couleurs est superbe.

Népal Trek de Gosainkunda panorama
Népal Trek de Gosainkunda panorama

Les nuages arrivent 30 minutes après que je sois monté. J’ai bien fait de me dépêcher !

Redescente rapide et gros Dal Bhat pour reprendre des forces (plat national servi à volonté avec riz, soupe de lentilles, et curry de légumes).

Le lac est sacré pour les hindous et les bouddhistes. Durant le mois d’août, des milliers de pèlerins y viennent. La légende dit que le dieu Shiva a créé le lac avec son trident pour diminuer la chaleur qu’il ressentait après avoir été empoissonné.

Népal Trek de Gosainkunda trident Shiva

Même si je ne suis pas hindou ou bouddhiste, je mouille mes mains et ma tête avec l’eau du lac (très froide). C’est mon côté superstitieux ! Et comme tous bons pèlerins, je fais le tour du lac, dans le sens des aiguilles d’une montre (la main droite du côté du lac ; la main gauche étant considérée comme impure). Partout autour du lac, il y a des drapeaux de prières et des centaines de cairns.

Une fois ces rites accomplis, un repos bien mérité au soleil !

Mais à cette altitude, le froid se fait ressentir assez tôt dans la journée. On s’achète 2 litres de thé pour se réchauffer pendant la soirée.

Jour 4 : Gosaikunda (4 380m) – Ghopte (3 430m)

On avait anticipé la nuit très froide en demandant 3 couvertures en plus de nos sacs de couchage. 

On commence à marcher quand le soleil est levé, vers 8 heures. Nous longeons le lac par le nord et quitte doucement cet endroit magique.

Népal Trek de Gosainkunda lac

Vient ensuite la monter vers le col du Laurebina, à 4 610m. 1h30 en tout pour atteindre le haut, dont la dernière demi-heure à marcher dans la neige.

Népal Trek de Gosainkunda col du Laurebina

Les lacs en contrebas, avec les hauts sommets des Annapurnas, du Manaslu et du Ganesh en toile de fond. Pas mal comme vue !

Et de l’autre côté, des vallées et des collines par où on va devoir poursuivre notre route.

Népal Trek de Gosainkunda col du Laurebina
Népal Trek de Gosainkunda col du Laurebina

En haut du col, plusieurs lacs également, tous gelés, et entourés de neige. On reste 30 minutes à profiter de ce panorama.

Népal Trek de Gosainkunda col du Laurebina
Népal Trek de Gosainkunda col du Laurebina

Puis on entame la descente. D’abord jusqu’à Phedi (3 630m), qu’on atteint vers 11h30. Un guide nous dit que Ghopte, notre étape du soir, n’est plus très loin. On décide de continuer et de manger là-bas. Mais ce qu’il ne nous a pas dit, c’est que le chemin est éprouvant ! Une succession de montées et descentes qui cassent les jambes. De plus, on marche dans la brume et on ne voit pas grand chose.

On passe par plusieurs endroits où les maisons ont été totalement détruites par le séisme. Il ne reste plus rien, hormis des tas de pierres. Ce côté est moins touristiques qu’avant le col, et les habitants ont eu très peu d’aides du gouvernement, sinon aucune.

2 heures plus tard, on atteint enfin Ghopte. 5h30 de marche, sans vraie pause, ça fatigue et ça creuse !

Les lodges ici sont en fait une poignée de chambres construites dans la maison des habitants. C’est rustique et ils réparent doucement comme ils peuvent les dégâts. Dans notre chambre, une simple toile de plastique faisait office de vitre.

Douche à l’eau froide avec un seau après ces journées successives difficiles !

Et le soir, en prime, on assiste à un magnifique coucher de soleil juste en face de nous.

Népal Trek de Gosainkunda Ghopte
Jour 5 : Ghopte (3 430m) – Gul Bhanjyang (2 130m)

La journée s’annonce de nouveau longue et difficile, mais belle comme toujours ! D’abord, 1h30 de montée pour atteindre le col de Thadepati, à 3 690m. On y voit le col du Laurebina, où on est passé la veille, et une nouvelle chaîne de montagnes, le Kangja La.

Népal Trek de Helambu col de Thadepati
Népal Trek de Helambu col de Thadepati

Descente en 1 heure à Magengoth où on prend le repas du midi chez le frère du mec chez qui on a dormi à Ghopte (c’est toujours comme ça ici, ils ont toujours un frère, un cousin ou un oncle dans le prochain bled où on va !).

On poursuit ensuite à Kutumsang, où l’on passe sous la barre des 3 000m. Je ne la repasserai pas avant longtemps j’imagine, vu les prochains pays de mon voyage.

On arrive finalement à notre étape du soir à 16h, à Gul Bhanjyang (impossible à dire, mais le diminutif est Golphu, plus simple !). Une route en terre arrive à ce village. La civilisation se rapproche doucement, même si la modernité est encore très loin d’ici. Les maisons des gens ont été reconstruites à la va-vite. Elles sont toutes en tôles.

Il y a beaucoup plus d’habitants ici que dans les villages précédents, mais toujours qu’un seul lodge. Pas beaucoup de monde s’y arrête d’ailleurs. Le couple vivant dans la maison était adorable. Mais la dernière fois que des trekkeurs s’étaient arrêtés ici, c’était le 20 octobre, soit 1 mois avant. C’est triste pour eux, et je ne sais pas trop de quoi ils vivent. Mais je suis content de faire ce trek du coup, et d’aider aussi peu soit-il ces gens.

Jour 6 : Gul Bhanjyang (2 130m) – Chisapani (2 215m)

Montées et descentes, comme toujours ces 2 derniers jours. Les paysages changent et on voit de plus en plus de villages dans les vallées. Et partout, des rizières s’étalant sur les pentes des collines.

Népal Trek de Helambu Gul Bhanjyang

On arrive à Chipling en milieu de matinée. Une jeep avec drapeaux du parti communiste-maoïste et musique à fond est là. Les élections présidentielles sont dans quelques jours, le 26 novembre. Ce parti dirige actuellement le pays. Partout désormais, on voit des affiches des différents partis.

Et à chaque fois, une croix gammée ! Rassurez-vous, les politiciens népalais ne revendiquent aucune idéologie nazie. Cette croix gammée est appelée Svastika, et représente différentes choses selon les courants de l’hindouisme et du bouddhisme (éternité, équilibre…). Ce symbole est apparu pour la première fois au néolithique. Le petit Adolf était tellement con qu’il n’a même pas su créer son propre signe et l’a piqué aux religions dominantes d’Asie.

Népal Trek de Helambu Svastika

Le problème avec tous ces villages, c’est qu’il y a plein de chemins. Et vu que ce trek n’est pas beaucoup pratiqué, il n’y a pas assez de signalisation. Mais les habitants savent où l’on va et dès qu’on se trompe, ils nous le font savoir et nous orientent vers la bonne direction.

Pour finir la journée, et on ne s’attendait pas à ça, une montée de 500m de dénivelé. J’en ai chié, plus que pour toutes les montées précédentes. Tous les efforts accumulés durant les treks au Népal depuis 2 mois se font sentir.

On arrive donc bien fatigué à Chisapani vers 13h. Là encore, un village qui a beaucoup souffert du séisme. Juste à côté de notre lodge, il y a un immeuble qui tient par miracle incliné en équilibre, et une maison totalement détruire. C’est vraiment triste à voir.

Népal Trek de Helambu Chisapani
Népal Trek de Helambu Chisapani

On a la surprise d’avoir de l’eau chaude pour la douche. Un vrai bonheur ! Et vu que le trek se termine demain par une petite journée, on se prend une bonne bière sur la terrasse.

Jour 7 : Chisapani (2 215m) – Sundarijal (1 460m) – Kathmandu

Dès la sortie de Chisapani, un poste de contrôle de l’armée où l’on doit payer 500 roupies pour entrer dans le parc naturel Shivapuri. Un parc où il y a beaucoup d’animaux si l’on en croit les affiches. Mais difficile de les voir !

Durant les 2h30 de descentes pour aller à Sundarijal, on a surtout vu des militaires en fait. De drôles d’animaux aussi, mais qui ne sont pas en voie de disparition malheureusement !

On termine ce trek en milieu de matinée. Et avec une belle phrase sur l’école du village : « Marriage can wait. Education cannot » (traduction : « Le mariage peut attendre. Pas l’éducation »). C’est l’un des problèmes du Népal où environ 80% des mariages sont encore des mariages arrangés. Les filles sont enceintes très jeunes, et n’ont donc pas accès à l’éducation. Et un pays sans une jeunesse éduquée est un pays voué à l’échec.

Népal Trek de Helambu Sundarijal

On arrive en même temps qu’un taxi. Et vu qu’on est 4, on décide de ne pas prendre le bus et de partager le prix du taxi. Seulement 3 euros chacun pour 1 heure de trajet. Retour à Kathmandu à midi, de nouveau dans la turbulente capitale !

Ce 3ème trek a donc été une belle aventure encore, partagée avec 3 personnes géniales. Les paysages ont été magnifiques, comme toujours dans l’Himalaya. En plus, ce trek permet de voir autres choses que des montagnes ; notamment les vallées et les rizières des derniers jours.

Mais ce que je retiendrai surtout est le besoin d’aide qu’a la région du Langtang et de l’Helambu. Les habitants ont besoin du tourisme et des trekkeurs pour vivre. Le gouvernement ne les aidera pas plus. Ils sont isolés, mais ils se débrouillent pour essayer de nous accueillir dignement.

Alors le moins que l’on puisse faire, c’est d’y aller, de constater l’ampleur des dégâts, d’échanger avec ces gens si attachants, et de participer financièrement à la reconstruction de leurs vies.


3 commentaires

astrid · 9 janvier 2018 à 10h01

salut Guillaume
j’ai lu avec bcp de plaisir le compte rendu de ton trek au Langtang !
nous nous sommes rencontrés à Gosainkund et je tiens à te remercier ainsi que tes compagnons de route pour les antidouleurs qui m’ont permis de terminer la rando… (avec 3 cotes cassées, mais ça il vaut mieux le savoir après !) Si tu me lis et que tu le souhaites, je puis te partager un album photo du même trek
Bonne route et au plaisir de lire le récit de tes aventures!

    Yakarêver · 9 janvier 2018 à 12h07

    Bonjour Astrid ! Oui je me rappelle qu’on s’est rencontré au lac. Tant mieux si les antidouleurs ont fonctionné et que la fin de ce si beau trek s’est bien passé ! Pour l’album photo, je t’invite à me contacter par mail, via l’onglet ‘contact’. Merci en tout cas de lire le blog, ça me fait plaisir ! Bonne continuation !

Volontariat dans une ferme à Nagarkot - Y a qu'à rêver · 18 décembre 2018 à 14h51

[…] le québecois avec qui j’ai fait le trek de Gosaikunda, m’a rejoint à la ferme durant la semaine. On a fait une journée rando, avec Magnus, un […]

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.