« En Birmanie, le passé appartient à ceux qui contrôlent le présent. »
George Orwell
Au même titre que le Népal, le Myanmar était un pays que j’attendais avec impatience. Tout le monde s’accorde à dire que c’est le pays le plus authentique d’Asie du Sud-Est. Son ouverture au tourisme est toute récente, comparée à son voisin thaïlandais.
Le bonheur d’un voyage au Myanmar
Dire que j’ai aimé ce pays serait faible… Ça a été 23 jours de pur bonheur. Sauf les 3 jours où j’ai été vraiment malade de l’estomac bien entendu, mais on ne voyage pas au Myanmar pour la gastronomie !
Arriver à Mandalay depuis Bangkok représente un gros changement. Passage d’une ville moderne à une ville birmane assez chaotique ! Même s’il n’y a rien d’exceptionnel dans cette ville, j’y ai tout de même apprécié prendre le pouls du pays pour un début.
L’émerveillement total a commencé à Bagan. Un vrai bijoux, avec des levers de soleil parmi les plus beaux que j’ai pu voir.
La partie sportif du séjour a bien sûr été le trek de Kalaw au lac Inle, à la découverte de différents villages hors du temps où vivent des minorités ethniques. Les paysages ne sont évidemment pas à la hauteur des treks du Népal (je ne vois pas comment ça pourrait être plus beau de toute façon…), mais on a appris beaucoup de choses avec notre guide.
Le lac Inle est l’un des endroits les plus connus et les plus touristiques du Myanmar. On m’en avait beaucoup parlé, et sans doute que j’en attendais trop, mais j’ai été un peu déçu au final. Un bel endroit, sans conteste, mais qui a perdu de son authenticité. Une bonne alternative est d’aller au lac Sankar, d’après des amis qui y sont allés.
Ma région préférée est celle où se trouve Hpa-An et Mawlamyine. Pas les villes les plus connues, mais de magnifiques paysages avec les monts karstiques et les fleuves. Je recommande vivement ces endroits à quiconque se rendant au Myanmar !
Contrairement au lac Inle, je n’attendais pas grand chose de Yangon, la grosse ville du pays. J’ai été agréablement surpris et j’ai très apprécié cette ville, notamment la magnifique pagode et l’expérience authentique du train circulaire.
Une population d’une gentillesse incroyable
Au Myanmar, quelque soit l’endroit, une chose ne change jamais : la sympathie des Birmans. Tout simplement incroyable. Ils sont d’une gentillesse et d’un calme à toute épreuve. Des sourires sur tous les visages. Les enfants font coucou dès qu’ils nous voient. Les adultes sont polis et intrigués par tous ces occidentaux venant visiter leur pays. C’est impossible d’être de mauvaise humeur ici, après avoir vu ces visages !
Une mosaïque d’ethnies
Il est difficile cependant de parler de « société birmane ». Il y a une telle diversité… Certaines ethnies ne parlent même pas le birman. Ça peut poser des problèmes. Dans certaines régions, interdites d’accès pour les étrangers, des conflits inter-ethniques existent. Il n’y a pas beaucoup d’infos disponibles, il est donc difficile de savoir pourquoi.
Le problème des Rohingyas
Le conflit le plus connu est évidemment celui avec les Rohingyas. J’ai évité d’en parler avec les Birmans, de peur de leurs réactions. La seule fois a été avec notre guide durant le trek. C’est un sujet très complexe, qui ne date pas d’aujourd’hui. Mais l’image du pays à l’international se voit nettement dégradée, et le tourisme a connu une forte baisse en 2017.
Les Rohingyas ont été amenés par les anglais en provenance du Bangladesh. Ils sont toujours restés proche de la frontière, et ont eu plusieurs fois des envies d’indépendance. L’armée a toujours refusé évidemment. Des sentiments xénophobes ont alors commencé à émerger. Aujourd’hui, ils atteignent leurs maximums. Les Rohingyas n’ont jamais été reconnus comme Birmans, et sont officiellement apatrides. Ils se sont organisés avec une petite armée pour se défendre contre les exactions de l’armée et des ethnies environnantes. Ce à quoi les militaires ont répondu d’une manière monstrueuse, en commettant un véritable génocide. Des villages ont été incendiés, des enfants tués, des femmes violées… La violence appelle la violence et ces hommes qui ont tout perdu rejoignent les rangs de la rébellion. Un cycle sans fin, le tout dans le silence de la communauté internationale.
La junte militaire toujours au contrôle
Tout le monde avait beaucoup d’espoir pour le pays avec l’élection d’Aung San Suu Kyi. Des progrès ont eu lieu, mais aucun miracle. La vie des Birmans n’a pas évolué et ça reste l’un des pays les plus pauvres au monde, et le plus pauvre d’Asie du Sud.
Pour sa défense, elle n’a pas beaucoup de pouvoir. Les généraux de la junte sont toujours là ; la constitution leur donnant au moins 25% des sièges. C’est eux qui désignent les ministres clés, comme la défense et l’intérieur. Ils possèdent, directement ou par le biais de proches, toutes les richesses du pays. Les déloger est donc quasi-impossible par la voie démocratique.
Une économie qui cherche sa voie
L’économie du pays est très faible. Le trafic et le marché noir représentent au moins autant que l’économie officielle. Le Myanmar est le 2ème producteur mondial d’opium (mais loin derrière le champion incontesté, l’Afghanistan). La culture de cette drogue fait vivre de nombreux paysans, qui n’ont aucune solution de substitution pour vivre.
Le travail des enfants est généralisé, et absolument pas dissimulé. Il est fréquent de les voir travailler dans des restaurants ou sur des chantiers.
Le pays s’est ouvert tout récemment à l’économie internationale. Les généraux n’avaient pas trop envie auparavant que des pays étrangers viennent fourrer le nez dans leurs affaires, pour y découvrir des tas d’argent sale et une corruption énorme. Aujourd’hui, le pays suit le modèle de son ami chinois : libéraliser l’économie, sans céder sur les libertés politiques et sociales. Car des ressources, il y en a au Myanmar ! Il y a beaucoup de minerais et des pierres précieuses en masse.
Une religion omniprésente
Enfin, on ne peut pas essayer d’expliquer la situation Birmane sans évoquer la religion. Ce sont des fanatiques, sans le sens de violence que peut faire penser ce terme. Le bouddhisme est une véritable manière de vivre. Tous les birmans doivent séjourner au moins 2 fois dans un monastère au cours de leurs vies. Ils prennent très au sérieux leur religion, et ça se voit ! Même un peu trop selon moi. Les gens donnent entre 10 et 30% de leur argent pour la religion (donations aux moines, rénovation des monastères et temples…). Quand on sait qu’ils ne gagnent pas grand chose, c’est une pure folie. Dans chaque petit village, on voit une pagode ou un stûpa recouvert d’or, alors que les gens vivent dans des maisons très basiques à côté, parfois dans des conditions sanitaires déplorables (25% de la population n’a pas accès à l’eau potable ni à l’électricité).
Le pouvoir des moines
Les moines sont des personnes clés de la société birmane. Ils sont très écoutés et respectés. Ils sont ordinairement plutôt critiques du pouvoir, et ont subi les conséquences lors des manifestations de 2007.
Mais la religion bouddhiste a ses extrémistes. Aucune religion n’y échappe malheureusement. Une minorité de moines, proche du pouvoir, participe à la politique xénophobe envers les Rohingyas, et n’hésitent pas à adopter un vrai discours de haine.
Un futur à préparer
Les perspectives d’avenir pour le pays sont assez floues. L’économie va s’améliorer, sans aucun doute. Mais à qui va profiter ce boom ? Pas sûr que les ethnies minoritaires vont voir leurs situations s’améliorer. Les inégalités se creuseront sûrement entre la classe riche de Yangon, et tous les laisser pour compte.
La seule chose dont je suis sûr : jamais le sourire des Birmans ne disparaîtra, ni leurs joies de vivre. Peu importe ce qui se passera. C’est ça le plus beau finalement, et c’est ce que le Myanmar vous apprend.
Je mets fin à ce séjour au Myanmar par cet article, sûrement un peu long à lire. Mais ce sont les articles que je préfère écrire. Je passe des heures et des heures à lire pour apprendre l’Histoire et la situation actuelle dans chaque pays où je vais. J’essaye de vous en faire part, et de démontrer que le voyage est vraiment l’école de la vie !
2 commentaires
Visiter (un peu) et manger (beaucoup) à Chiang Mai - Y a qu'à rêver · 16 décembre 2018 à 19h54
[…] en Thaïlande après un très bon séjour au Myanmar… Je ne vous cache pas que je n’avais pas trop envie de revenir mais bon, je ne vais pas […]
Les requins-baleines d'Oslob et la précieuse Siquijor - Y a qu'à rêver · 29 décembre 2018 à 13h11
[…] parle parfaitement anglais ici donc c’est très facile de communiquer. Contrairement à la Birmanie où les gens sont merveilleux mais ne parlant pas anglais, ça devient assez frustrant parfois de […]