« Quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui meurent. »
Proverbe laotien
Vientiane est la capitale du Laos. Elle représente bien le pays : petite et calme ! Beaucoup de voyageurs zappent cette étape et filent directement vers le sud. Mais il y a tout de même des choses intéressantes à voir !
Première chose que j’ai faite : poser mon sac à l’auberge Avalon B&B et courir à la boulangerie Le Banneton (comme à Luang Prabang). Achat d’une baguette et de comté… C’est tellement simple le bonheur !
Une fois ma gourmandise satisfaite, j’ai pu commencer à visiter.
Le syndrome du Mékong
Vientiane est une ville de 700 000 habitants, ce qui est très peu pour une capitale ; surtout pour l’Asie… Elle a été construite au bord du Mékong. En se promenant, on a plus l’impression d’être dans une petite ville de province toute calme que dans une capitale.
La Mère de tous les fleuves (ce que signifie Mékong) a cet effet sur toutes les villes qu’elle traverse j’ai l’impression. Elles sont baignées dans une torpeur et une quiétude imperturbable.
Les gens sont relax et pas stressés, comme partout au Laos de toute façon !
Le premier soir, je vais sur les bords du Mékong. Il y a le marché de nuit à côté où on peut acheter des vêtements et accessoires. J’en ai profité pour me racheter des lunettes. Ce n’est que la 3ème paire que j’achète en un peu plus de 4 mois de voyage… Une bonne moyenne, mais elles ont une fâcheuse tendance à disparaître ou à être sous mes fesses quand je m’assois !
Les laotiens viennent se balader sur le bord du fleuve à la fraîche. Certains se promènent en famille, d’autres font du sport… Plusieurs vendeurs ambulants sont à la recherche de clients pour vendre des ballons de baudruche ou des jouets. C’est une bonne ambiance.
Tout le monde contemple le coucher de soleil, et regarde donc en direction de la Thaïlande qui est de l’autre côté du fleuve.
Les gens d’ici sont assez bavards et curieux. J’ai d’abord parlé avec deux jeunes de 25 et 30 ans, qui voulaient juste pratiquer leur anglais. Bien sûr, ils ont demandé à faire une photo avec leur « nouvel ami occidental » !
Le laotien de Rennes
J’ai fait une rencontre vraiment surprenante aussi, qui démontre bien que le monde est (trop ?) petit. Un homme de 68 ans m’a abordé avec sa petite fille. Après m’avoir demandé d’où je venais, il a commencé à me parler dans un français impeccable. Je savais que les personnes âgées du Laos parlent français du fait de la colonisation. Mais pas à ce point là ! Je lui demande donc comment ça se fait qu’il maîtrise si bien la langue de Molière. Ce à quoi il me répond qu’il a étudié 2 ans à Rennes, à l’université de Beaulieu. Je rigole et lui dis que c’est la ville où je vis ! On sympathise et on a dû parlé au moins 30 minutes ensemble. Une très belle rencontre.
Cette soirée sur les bords du Mékong a été vraiment chouette avec ces rencontres et cette ambiance paisible. Rien que pour ça, j’aimais déjà la ville !
La capitale calme
Le lendemain, je commence vraiment à visiter. Je loue un vélo pour pouvoir aller un peu partout. La ville n’est pas très grande et il n’y a pas beaucoup de circulation, donc le vélo est un bon moyen de transport.
Je me balade au début un peu au hasard. Il y a quelques temples jolis, notamment le Wat Sisaket, le plus ancien de la ville.
L’un des monuments les plus connus de la ville est le Patuxai, une sorte de réplique de l’Arc de Triomphe.
L’avenue qui y mène est d’ailleurs surnommée les « Champs Élysées » de l’Asie. Bon, faut avouer que nos amis laotiens se sont un peu enflammés pour ça !
Tout au long de cette avenue, on trouve tous les ministères et beaucoup de bâtiments administratifs, installés dans d’anciennes grandes bâtisses coloniales. Les noms sont toujours indiqués en laotien et traduits en français. C’est le cas également pour les noms de rues par exemple. C’est assez facile de se repérer pour les francophones du coup !
Je continue ensuite plus vers le nord, pour aller voir le monument religieux le plus important du pays : le stûpa Pha That Luang. Évidemment, il est tout doré. Mais les laotiens paraissent petits joueurs question religion par rapport aux birmans ! Ils n’ont pas la même folie des grandeurs.
Les désastres de la guerre secrète
Tout ça est bien beau, mais si je voulais absolument venir à Vientiane, c’était pour aller visiter le centre COPE (Cooperative Orthotic and Prosthetic Enterprise). Cet organisme, financé par l’État et d’autres pays (notamment l’Australie et la Norvège), fabrique des prothèses et des fauteuils roulants pour les laotiens amputés et handicapés. Ils font un travail exceptionnel. Une partie du centre a été aménagée en musée pour expliquer les conséquences désastreuses de la guerre secrète menée par les USA de 1964 à 1973.
Les accords de Genève de 1962 garantissaient la neutralité du Laos dans la guerre du Vietnam. Mais les 2 forces en présence n’ont pas respecté cette neutralité.
Les Nord-vietnamiens passaient par le Laos, sur la piste appelée désormais l’Ho Chi Minh Trail, pour ravitailler les troupes en armement. Les USA ont cherché à couper cet approvisionnement. Le Laos devient alors un théâtre de guerre. Les deux parties affirmaient respecter les accords de Genève, ce qui était évidemment totalement faux ; d’où le nom de « guerre secrète ».
Une pluie de bombes
Les USA ont bombardé à l’aveugle le sud et l’est du Laos durant 9 ans, à raison d’une mission aérienne toutes les 8 minutes, 24h/24.
Les chiffres font froid dans le dos :
- 580 000 missions aériennes de l’armée US
- 2 millions de tonnes de bombes
- 350 000 morts (des civils), soit 1/10 de la population
- 350 000 réfugiés
C’est simple à résumer : le Laos est le pays le plus bombardé de l’Histoire par rapport au nombre d’habitants !
Ces bombes lâchées contenaient plusieurs « petites bombes » à l’intérieur, pour cibler plus large et tuer plus de personnes. En tout, ça fait 270 millions de bombes !
Toujours d’actualité…
Le problème est que 30% de ces petites bombes n’ont pas explosé à l’impact. Ce qui signifie qu’il y a actuellement 80 millions de bombes qui hantent le sol laotien. On les appelle les engins explosifs non désamorcés (« unexploded ordonance » = UXO).
Depuis la fin du conflit, 20 000 personnes sont mortes à cause des UXO, dont 40% d’enfants. C’est un vrai cancer pour le pays, et des gens meurent encore tous les jours.
Un paysan voulant bêcher la terre, des enfants jouant dans la forêt, ou bien une famille allumant un feu pour préparer à manger (ce qui fait chauffer et exploser la bombe enfouie dans le sol)… Tous les laotiens sont exposés à ce risque mortel.
Certaines régions sont tellement pauvres que les gens, désespérés, essayent de récupérer eux-mêmes les bombes pour revendre le métal, au prix de 1euro/kg. Les infrastructures hospitalières sont bien souvent inadaptées et n’ont même pas d’oxygène ou de sang en stock pour soigner les blessés, condamnés à mourir.
La COPE a été fondée pour palier ce manque. Cinq centres ont été construits dans les régions les plus touchées pour soigner et fournir des prothèses gratuitement. Heureusement que des Hommes comme ça peuplent encore la planète…
En toute impunité…
Quant aux Présidents US de l’époque, aucun n’a été inquiété pour crime de guerre et crime contre l’humanité. La Cours Pénale Internationale a été créée pour juger les dictateurs africains ou communistes, pas pour les occidentaux.
Obama a été le premier président à verser de l’argent au Laos pour aider. Mais seulement 3 millions de dollars, alors que les USA ont dépensé 7,2 milliards de dollars pour cette guerre secrète. Encore plus révoltant quand on sait que le budget militaire des USA est de plus de 600 milliards par an ! Ce « beau pays de la liberté »… Il est vraiment trop généreux le prix Nobel de la paix le plus ridicule de l’histoire…
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Je suis resté 2 heures dans ce petit musée très bien fait, avec beaucoup de documentaires et témoignages intéressants et poignants. Un incontournable pour ceux intéressés par l’Histoire du Laos. Et aussi pour comprendre le présent car c’est un frein au développement du pays. Avant de construire une simple route, il faut tout déminer, ce qui demande du temps et de l’argent. Beaucoup de surfaces agricoles ne peuvent pas être exploitées à cause des UXO également.
Après avoir fait une belle donation pour participer au financement du travail indispensable du COPE, je ressors de là en me demandant vraiment quel genre de monstre il faut être pour bombarder des civils n’ayant rien fait durant 9 ans…
Pour finir la journée et réfléchir à ce que je viens d’apprendre, je vais me promener sur les bords du Mékong de nouveau. La Mère des fleuves apaise les esprits, et après une telle visite, j’en ai besoin.
J’ai vraiment apprécié venir ici. Les gens sont très aimables et curieux, l’ambiance est relax pour une capitale… Ce que j’ai préféré est bien sûr la visite du centre COPE incroyablement bien fait. Ce qu’on y apprend est édifiant mais indispensable pour essayer d’être un voyageur consciencieux.
3 commentaires
Apprendre la terrible histoire du Cambodge à Phnom Penh - Y a qu'à rêver · 15 décembre 2018 à 12h28
[…] surtout parmi les paysans sans éducation. La guerre du Vietnam les aide aussi. Les USA font comme au Laos, en bombardant à l’aveugle le Cambodge pour détruire les chemins d’approvisionnement […]
Découvrir les environs de Vang Vieng à vélo - Y a qu'à rêver · 16 décembre 2018 à 14h22
[…] Je ne reste pas plus longtemps ici ; je pars demain matin vers la capitale, Vientane. […]
Boucle de Thakhek - Du 05/02 au 09/02/2018 - Y a qu'à rêver · 16 décembre 2018 à 15h02
[…] avoir découvert la capitale laotienne, j’ai repris ma route vers le sud du pays. Thakhek est une petite ville totalement […]