« L’ivresse de la jeunesse est plus forte que l’ivresse du vin. »

Proverbe persan

Un rêve s’est exhaussé déjà : marcher en territoire Iranien… Et oui, me voici désormais en République Islamique d’Iran ! Je suis arrivé à Téhéran depuis Kuala Lumpur par un vol de nuit. Premières journées en Iran, premières impressions, premières joies…

Le passage de l’immigration s’est fait sans embêtement ; aucun contrôle des bagages, de l’itinéraire ou des papiers d’assurance comme on lit beaucoup sur les forums internet. Avec mon visa iranien dans mon passeport, je suis désormais officiellement interdit de territoire en Israël. C’est pour moi une grande fierté que ce pays raciste et dirigé par des assassins m’interdise l’entrée. D’ailleurs, je partage la position des autorités iraniennes comme quoi Israël ne doit pas être reconnu comme un pays : la terre qu’ils occupent de force s’appelle Palestine.

Bref, je voulais partager mon point de vue, c’est fait !

Téhéran, facile de s’y perdre !

Téhéran est une immense ville de 15 millions d’habitants s’étalant sur les pentes de la chaîne de montagne de l’Alborz. Chose extraordinaire que je ne savais pas, on peut skier à seulement 30 minutes de la capitale la moitié de l’année ! Bon évidemment, là en plein mois d’août, il n’y a pas de neige. Les montagnes sont immenses et dépassent les 4 000 mètres, avec le Damavand comme point culminant du Moyen-Orient (5 610 mètres). On peut voir ces montagnes depuis le pont pédestre Tabiat, construite par une architecte iranienne.

Iran Téhéran montagnes alborz

Le nord de la ville, proche des montagnes, est plus huppé que le sud. Les riches habitent le plus haut possible où il fait un peu moins chaud.

Me concernant, je loge dans le sud de la capitale, où se trouve les quartiers populaires et auberges bon marché. La capitale iranienne n’est pas réputée pour être spécialement agréable à visiter en raison du bruit et de la pollution. Mais comme toute capitale, c’est un lieu chargé d’histoire. Et celle de l’Iran m’intéresse beaucoup. Ce pays me fait tellement rêver que ça fait un mois que je lis et regarde des documentaires sur son histoire, sa géographie, sa culture..!

Une ville et un pays à l’histoire singulière

L’histoire du pays est mouvementée et impossible à résumer rapidement. Elle remonte à très loin et de grands noms sont passés par là : Cyrus, Alexandre le Grand, Gengis Khan… Plusieurs empires ont été bâtis sur ces terres, mais le plus connu est bien sûr l’Empire Perse. D’ailleurs, la langue iranienne est le perse (appelé aussi farsi), et non l’arabe. Chose amusante, les Iraniens adorent la France et notre langue. A tel point qu’ils ont intégré certains de nos mots dans leur vocabulaire : merci, ascenseur, séchoir, masque à oxygène..!

La dynastie des Qadjar a choisi Téhéran pour capitale et a transformé un village en ville importante. Pendant plus d’un siècle, les Shahs Qadjar vivent dans un luxe absolu et se révèlent être de bien mauvais dirigeants. Il leur était plus important de vivre dans l’opulence plutôt que de conclure des alliances internationales pour protéger le pays. On peut visiter un de leur Palais à Téhéran, appelé le Golestan. Il faut avouer qu’ils avaient du goût pour l’architecture et la décoration !

Ce palais est immense avec de nombreuses salles de réception où ils recevaient d’autres dirigeants. Tout brille, des miroirs partout, de l’or… Et encore une touche française avec des tableaux et du mobilier importés de France (ils étaient fans de Napoléon).

Iran Téhéran Palais

Une révolution et des désillusions

Les évènements récents sont tout autant complexes à saisir, avec coup d’État et révolution. Le sous-sol iranien, riche en pétrole et gaz, a toujours été convoité par les puissances occidentales, notamment l’Angleterre et les USA.

La dynastie Pahlavi a régné sur l’Iran une bonne partie du 20ème siècle, s’enrichissant et permettant aux compagnies étrangères de piller les ressources. Quelques hommes d’État ont essayé de changer la donne, comme Mohammad Mossadegh, mais la CIA a toujours organisé un coup d’État pour les déloger (l’une des raisons pour lesquelles les USA ne sont pas très bien aimés ici…).

Iran Téhéran Ambassade US

Les Shahs Pahlavi ont mis en place des mesures pour moderniser le pays, notamment d’un point de vue social (émancipation des femmes, santé publique…). Mais la population rurale musulmane du pays n’appréciait pas ces changements brutaux, et les citadins n’appréciaient pas les mesures économiques et l’opulence dans laquelle vivait le Shah.

D’immenses manifestations organisées par les syndicats regroupant les étudiants et la classe moyenne ont eu lieu dans le pays. Après avoir réprimé dans la violence, le Shah est contraint de fuir le pays.

C’est là que l’Ayatollah Khomeini entre en scène. Ayatollah est le titre le plus élevé dans la religion chiite, qu’on obtient après avoir beaucoup étudié la théologie, la philosophie, le droit…

Lors des manifestations, il est exilé à Paris où il a vécu plusieurs années. Il y rencontre Jean-Paul Sartre par exemple. A la fin de l’insurrection, il devient le leader d’un groupe hétéroclite, où se trouve des communistes et des intégristes musulmans. Il jouit d’une popularité extraordinaire et devient le Guide Suprême, proclamant la création d’un État théocratique indépendant. Les communistes, ayant largement contribué à la révolution, sont mis de côté ou exécutés. La République Islamique se met en place progressivement.

Iran Téhéran Ambassade US

Le symbole de l’ambassade US

L’épisode le plus connu et le plus médiatisé de cette révolution est la prise d’otages de 52 personnes de l’ambassade des USA par des étudiants durant 444 jours. C’est d’ici que les USA espionnait tout et ont organisé le coup d’État. Le film de propagande d’Hollywood Argo relate un peu les faits, avec les méchants barbus qui font du mal aux gentils yankees. Il est possible de visiter cette ambassade, convertie en musée avec des visites guidées gratuites. On y découvre les salles de la CIA avec des explications fournies par le guide. De nombreux slogans anti-US et anti-Israël décorent les murs désormais.

Iran Téhéran Ambassade US

Je dois avouer que je me sens comme un poisson dans l’eau : « On peut dire du mal d’Israël et des USA en toute liberté ? Ah, c’est même encouragé ? J’aime bien votre endroit ! »

Iran Téhéran Ambassade US

Mais un épisode tragique survient en 1980, un an après la Révolution : la guerre contre l’Irak. Saddam Hussein (et oui il était déjà là à l’époque !) cherche à annexer certains territoires d’Iran riches en pétrole. La guerre éclate et durera huit ans. L’Ayatollah Khomeini fédère le peuple iranien grâce à cette guerre. Les jeunes s’en vont mourir en martyr au front, sous les encouragements des Mollahs. Bilan du massacre : 1 million de morts… Cette guerre a laissé un souvenir très douloureux aux iraniens. Des portraits de ces héros de guerre sont visibles en ville ; dont un ressemblant fortement à Fidel Castro !

Iran Téhéran

Les présidents se sont succédé ensuite, mais l’homme le plus important du pays reste le Guide Suprême. Khomeini meurt en 1989 et est remplacé par Ali Khamenei (ils auraient pu prendre des noms bien distincts quand même…).

Iran Téhéran Ayatollah

Un avenir incertain

Aujourd’hui, la situation est toujours confuse et difficile à prévoir. La situation semblait s’améliorer grâce au président modéré Rohani mais l’élection de Trump a bouleversé la donne sur le plan international. L’Iran se retrouve de nouveau isolé et sous embargo. Les pays européens, en bon caniches des USA, suivent le mouvement et participent à la propagande selon laquelle l’Iran soutient le terrorisme (!). Un comble… Le terrorisme est financé par l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies du Golfe, c’est-à-dire les pays à qui on vend des armes. Mais l’Iran est le pays à abattre pour les USA et Israël. Son influence au Moyen-Orient est très élevé, notamment au Liban et en Irak, et menace les intérêts occidentaux.

Iran Téhéran down with the USA

Ces sanctions stupides contre l’Iran (et totalement illégales car aucun pays au monde n’a le droit d’imposer un embargo…) ne facilitent pas la vie des voyageurs non plus. Impossible d’utiliser sa carte bancaire ici puisque l’Iran est exclut du système bancaire international. Il faut donc arriver avec beaucoup de cash dans les poches et faire du change. La monnaie iranienne, le rial, est en chute libre totale. Il y a six mois, 1 euro valait environ 30 000 rials. Aujourd’hui, j’ai pu faire du change dans la rue et j’ai eu 1 euro pour 122 000 rials ! L’inflation est forte et les iraniens veulent des monnaies stables comme l’euro ou le dollar (même cas que l’Argentine quand j’y étais).

Iran Téhéran change monnaie rials

L’Iran d’aujourd’hui

Après avoir essayé de résumer l’Histoire riche de ce pays, il est temps de s’intéresser à l’Iran d’aujourd’hui, celui que j’ai sous les yeux. Ça en surprendrait plus d’un : l’Iran est un pays moderne, avec des infrastructures adaptées, l’eau du robinet est potable, une bonne qualité de vie… Ce n’est donc pas l’image qu’on a si on reste le cul dans son canapé à regarder le JT !

Téhéran est une ville plutôt moderne, notamment le nord où se trouve la classe aisée. Le métro propre et facile à utiliser permet d’échapper au trafic infernal qui règne sur les grands boulevards. Des wagons sont réservés aux femmes, les autres sont mixtes. Le rapport homme-femme est spécial puisque aucune marque d’affection ne se fait en public.

Les iraniens conduisent comme des cinglés ; le piéton n’est absolument pas prioritaire, cela va de soi (mais après l’Amérique du Sud et l’Asie, ça ne me choque plus de traverser une 4 voies en slalomant !). Les voitures de l’hexagone sont à l’honneur avec beaucoup de Renault et Peugeot.

Téhéran, une ville animée

Comme toute capitale, c’est une ville très commerçante et animée. Le Grand Bazar est l’exemple même de cette agitation. Les bazars en Iran sont très importants. Celui de Téhéran est immense et est une belle immersion pour débuter un voyage.

Une foule permanente se presse pour faire des achats, allant des bijoux aux vêtements, en passant par l’électroménager et bien sûr les tapis.

Iran Téhéran Grand Bazar
Iran Téhéran Grand Bazar
Iran Téhéran Grand Bazar

C’est un lieu idéal pour se perdre (de toute façon, c’est tellement immense que vous vous perdez forcément…) et pour rencontrer les iraniens. Les vendeurs sont super sympas en général et n’hésitent pas à venir vous parler, sans chercher à vendre quelque chose. Ils sont juste curieux et souhaitent vous présenter l’endroit. En plus, quand on dit qu’on est français, on voit un grand sourire sur leur visage et ils connaissent toujours plusieurs mots de notre langue. Les anciens apprenaient la langue de Molière à l’école, avant que l’anglais ne devienne indispensable à apprendre.

Iran Téhéran Grand Bazar

Le bazar existe depuis plus de 200 ans. Certaines boutiques donnent l’impression de ne pas avoir changé, notamment les marchands de tapis, alors que d’autres sont plus modernes.

Iran Téhéran Grand Bazar

La logistique est bien rodée : des hommes passent à toute vitesse dans les allées avec des chariots pour apporter la marchandise aux commerçants. Attention à vous, ils ne ralentissent pas !

Iran Téhéran Grand Bazar

Il est facile de passer une demi-journée dans le bazar à déambuler au milieu de la foule. Heureusement, quelques endroits permettent de se reposer un peu comme la mosquée de l’Imam Khomeini.

Iran Téhéran Grand Bazar

Une jeunesse iranienne surprenante

En me baladant durant ces deux jours à Téhéran, une chose m’a frappé : la beauté des Iraniennes…. Elles sont à tomber ! Le voile est obligatoire en Iran mais beaucoup en ont fait un accessoire de mode, le portant très bas pour montrer leurs cheveux. Le voile porté ainsi leur donne même un côté rebelle très sexy ! Leurs yeux sont splendides et un seul de leur regard suffit pour me rendre fou amoureux ! Chose amusante : la mode en ce moment est de se refaire le nez (c’est vrai qu’elles ont souvent ce défaut d’avoir un nez assez gros !). On voit de nombreux jeunes avec un pansement sur le nez, signifiant qu’ils se sont fait opérer récemment.

Cette jeunesse iranienne est surprenante et géniale. Comme tout le peuple iranien qui semble incroyable, après seulement deux jours ici ! Accueillant, bienveillant, chaleureux… On est bien loin des clichés des mollahs enturbannés aux regards sévères !

D’ailleurs, on voit de nombreuses boutiques de mode et des cafés branchés où la jeunesse aime passer du temps.

J’ai rencontré Bawar, un iranien originaire de la province du Kurdistan. Il a mon âge et il nous a accompagné dans des endroits cools, notamment Darband. Ce mini quartier, aux allures de village, se situe sur les contreforts de l’Alborz, au pied des montagnes.

Iran Téhéran Darband

On y trouve plusieurs cafés et restaurants de chaque côté du torrent. On s’assoit sur le tapis perse, objet indispensable dans ce pays, pour boire un thé, manger un bout ou fumer le qalayan (la chicha).

Iran Téhéran Darband

Liberté, liberté…

Bawar nous a beaucoup parlé de son pays et de la situation actuelle. Comme d’autres jeunes avec qui j’ai parlé jusqu’à présent, il n’a pas du tout une vision positive du gouvernement. Ils en parlent tous assez librement, sans crainte de se faire entendre et des représailles. 1/3 des jeunes sont au chômage et la situation économique ne va pas aller en s’arrangeant… Ce chômage massif ne représente pas le niveau d’éducation, qui est impressionnant. Quelques jeunes me parlaient de Baudelaire, de Rimbaud, de Jacques Brel… Ils en connaissent bien plus que moi sur les grands noms français !

Une chose revient souvent dans leurs discours : le désir d’avoir davantage de liberté. La loi Islamique telle qu’elle est appliquée n’est plus en cohérence avec le mode de vie des Iraniens. Des mouvements de contestation émergent, comme ces femmes qui osent ne pas porter le voile en ville.

Il y a donc une sorte d’hypocrisie dans tout ça de la part des autorités : le voile est obligatoire mais les femmes ont trouvé le moyen d’appliquer la loi tout en la contournant ; beaucoup de sites internet sont censurés mais tout le monde utilise un VPN pour y accéder tout de même…

Après deux jours intenses à Téhéran, je ne m’attarde pas car il y a tellement de choses à voir dans ce pays trois fois plus grand que la France !

Direction les montagnes du nord, dans la vallée d’Alamut !

Catégories : Iran

10 commentaires

Vallée d'Alamut : montagnes et assassins ! - Y a qu'à rêver · 10 décembre 2018 à 12h47

[…] la tumultueuse et bruyante Téhéran, direction la quiétude et les grands espaces dans la Vallée d’Alamut. Les montagnes remplacent […]

Désert de Varzaneh : authenticité et splendeurs- Y a qu'à rêver · 10 décembre 2018 à 15h42

[…] routard rencontré à Téhéran m’avait conseillé cet endroit, entouré des paysages […]

Kurdistan - Du 12/09 au 16/09/2018 - Y a qu'à rêver · 10 décembre 2018 à 17h33

[…] rencontre des jeunes de Téhéran venus faire un documentaire sur la région pour le présenter ensuite au festival de San Sebastian, […]

Les incontournables de l'Iran et mon ressenti - Y a qu'à rêver · 10 décembre 2018 à 19h01

[…] mon arrivée à Téhéran, j’ai été conquis par le peuple iranien. La capitale du pays, souvent boudée par les […]

Amman : premiers pas et visites en Jordanie - Y a qu'à rêver · 11 décembre 2018 à 11h18

[…] suis arrivé le 22 au soir à l’aéroport international, après un vol depuis Téhéran avec escale aux Émirats Arabes Unis. J’ai eu le droit à quelques questions de la part des […]

Brunei côté nature : explorer les forêts, plages et villages - Y a qu'à rêver · 27 décembre 2018 à 14h41

[…] à Kuala Lumpur désormais pour quelques jours avant d’aller en Iran […]

Kashan, ville traditionnelle et joyaux cachés - Y a qu'à rêver · 27 décembre 2018 à 14h54

[…] Kashan est une ville de taille moyenne. C’est donc plus agréable à visiter que des villes tentaculaires comme Téhéran. […]

Mixité religieuse et randonnée à Hamedan - Y a qu'à rêver · 27 décembre 2018 à 15h11

[…] et inoubliable au Kurdistan, je reprends la route vers Hamedan, située entre Sanandaj et Téhéran. Ce n’est pas une destination phare de l’Iran mais vu que c’était sur la route, […]

Visiter Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine - Y a qu'à rêver · 28 mars 2023 à 17h46

[…] y a aussi un petit bazaar pas loin. Beaucoup moins grand que ceux de Téhéran évidemment, mais ça me rappel de beaux […]

Le Lac Sevan, petite mer intérieure d'Arménie - Y a qu'à rêver · 7 septembre 2023 à 16h38

[…] retour à l’auberge, je rencontre Farzad, un iranien de Téhéran ne voyageant que en stop. Bon, avec son passeport, les destinations sont limitées… On […]

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.