« On lui a demandé de remettre de l’ordre dans ses idée. A présent il a beaucoup d’ordre, mais plus aucune idée. » 

Norge (poète belge)

Me voici à Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, après un petit trajet depuis Jajce. On m’avait dit beaucoup de bien de cette ville, et je n’ai pas été déçu. Une capitale à taille humaine, très agréable pour visiter et passer du bon temps !

Trouver mon chemin

Je vais commencer par le point négatif. J’ai eu un petit soucis durant mon séjour ici : mon téléphone m’a lâché ! Il a commencé à planter à Jajce, mais finalement il a tenu le choc jusqu’à Sarajevo (et heureusement, sinon je ne sais pas comment j’aurai trouver mon auberge sans GPS !).

Cependant, la première journée à Sarajevo, ça s’est confirmé : il a planté à nouveau et impossible de réparer cette fois. Heureusement que ça m’arrive dans la capitale, car au moins j’avais des magasins pas loin pour trouver un nouveau portable. Le coût de la vie est bas en Bosnie, mais l’électronique est cher par contre ! Mon nouveau smartphone m’a coûté 200 euros, mais maintenant je suis sûr qu’il ne me lâchera pas pendant un trajet !

Ma petite déception est que j’ai perdu du coup le numéro du bosniaque rencontré à une station service en Italie et qui m’avait invité à dîner quand je serai à Sarajevo…

Où loger ?

Bref, la première chose à faire était de trouver le bon logement pour profiter au mieux de mon séjour ici : j’ai essayé un premier hostel, mais un états-unien dans le dortoir était insupportable (il se croyait tout seul et faisait du bruit dès 5h30 le matin). Un gringo de mierda. Il parlait beaucoup, et avait une vision du monde bien débile. J’ai trouvé une image dans Sarajevo qui correspondait à sa mentalité :

Au lieu de m’énerver, j’ai préféré changer dès le lendemain de mon arrivée. Je suis allé à l’hostel Kucha pour mes deux autres nuits. Et parfait ! J’ai super bien dormi, et surtout rencontré des voyageurs très cools : une argentine, un russe, un slovaque… On était un petit groupe très sympa !

C’était sur les hauteurs de la ville, mais avec la moto je ne pouvais pas dormir dans le centre-ville car pas de parking (ou alors payant). Mais ça m’allait très bien, car c’était un quartier calme. Par contre, Sarajevo n’est pas de tout repos en moto ! Ce n’est pas un problème de circulation ou d’embouteillages, mais ce sont des milliers de ruelles qui serpentent sur les collines, souvent à sens unique… Même mon GPS était perdu en arrivant !

Prendre de la hauteur permet aussi d’observer la ville et ce qui s’y passe. J’ai bien aimé notre voisin qui bricolait sur son toit, en petites chaussures, très serein.

Le quartier ottoman Baščaršija

Dans tous les cas, il est important de ne pas être trop loin du quartier ottoman, Baščaršija. En tant que voyageurs, c’est là que vous aurez le plus de choses à faire et à voir.

La Bosnie a été intégrée durant quatre siècles au sein de l’Empire ottoman (1463 – 1878). Donc ils ont eu le temps de construire des choses pendant ce temps !

Il n’est pas très grand mais j’ai passé plusieurs heures à me balader au hasard des rues, 100% piétonnes.

Mosquées, églises et synagogues

Avec les minarets qu’on aperçoit souvent, il est très facile de se repérer !

La mosquée la plus connue, celle qu’on aperçoit sur les photos ci-dessus, est la Gazi Husrev-beg. Il s’agit de la plus grande du pays. J’y suis passé plusieurs fois et à chaque fois j’apprécie l’atmosphère du lieu.

Mais on ne trouve pas uniquement des mosquées à Sarajevo. Il y a aussi la grande Cathédrale du Cœur-de-Jésus. Et aussi une église orthodoxe, et une synagogue. Tous ces édifices religieux dans un petit périmètre, et tout semble plutôt bien se passer.

Un goût du Moyen-Orient !

On trouve également d’autres bâtiments importants dans ce quartier. Notamment le caravansérail Morića Han. C’était important pour moi d’y venir. Les caravansérails sont les lieux où les caravanes de marchands faisaient étape sur la Route de la Soie. J’en avais vu plusieurs en Iran, mais celle-ci est la première de ce voyage, qui va suivre cette mythique Route de la Soie.

Aujourd’hui, il n’est plus question d’y dormir, mais le bâtiment a été bien conservé et des échoppes s’y sont installées.

Il y a aussi un petit bazaar pas loin. Beaucoup moins grand que ceux de Téhéran évidemment, mais ça me rappel de beaux souvenirs.

On voit bien à travers ces endroits que les Balkans sont un carrefour de civilisations. Un mélange d’Europe, du Moyen-Orient, avec une culture slave. C’est difficile à décrire mais super intéressant à observer.

Un autre endroit connu de Baščaršija est la fontaine en bois, un emblème de Sarajevo. De nombreux cafés autour de la place et des centaines de pigeons qui récupèrent la nourriture jetée par les passants.

Guerres mondiales

Sarajevo a aussi une histoire marquée par les guerres. Quand on s’intéresse à l’histoire du pays, c’est complexe !

Déjà, si vous vous rappelez de vos cours d’histoires du lycée, vous savez que l’origine de la Première Guerre Mondiale se trouve ici. Le 28 juin 1914, un jeune nationaliste serbe originaire de Bosnie, Gavrilo Princip, assassine le couple héritier du trône austro-hongrois, le prince François-Ferdinand d’Autriche et son épouse la duchesse de Hohenberg. Ça part ensuite en déclaration de guerre entre l’Autriche et la Serbie. Avec le jeu des alliances, le conflit dégénère en guerre mondiale.

L’assassinat a eu lieu sur un pont, aujourd’hui nommé le Pont Latin. Mais il a eu le nom du tueur entre 1918 et 1992 !

Le pays n’a pas été épargné non plus par la seconde guerre mondiale. Une flamme brûle en permanence depuis 1946 pour se rappeler des victimes civiles et militaires du conflit.

Guerre de Bosnie

Mais la guerre marquante du pays a surtout eu lieu assez récemment. Pour comprendre les évènements, j’ai participé à un Free Walking Tour. Première fois de ma vie que je participe à ce genre de visite mais on me l’avait vivement recommandé. Neno, qui anime la visite, avait 8 ans au début de la guerre. Jusqu’à cette visite, aucun bosniaque ne m’en avait parlé. La plupart des familles ont été touchées et les cicatrices ne sont pas effacées… Neno a eu la chance de ne perdre aucun proche. Il nous incite donc à poser des questions, à ne pas hésiter à faire des remarques. J’ai tout simplement adoré les 3 heures de discussions avec lui, aux différents endroits de la ville où on allait.

Le pays faisait partie de la Yougoslavie (= « slaves du sud »). La Yougoslavie était un pays pacifique, membre important du Mouvement des Non-Alignés durant la guerre froide (voir mon article sur Bandung à ce sujet).

Le maréchal Tito était l’union de tous ces peuples. Il faisait en sorte que toutes les différentes ethnies et religions cohabitent. Pour cela, il n’hésitait pas à utiliser la répression évidemment. Mais les Yougoslaves vivaient en paix, dans un système socialiste. A noter que malgré le système socialiste, Tito avait rompu les relations avec l’URSS et la Chine.

A sa mort en 1980, les choses se compliquent et des tensions naissent entre les dirigeants. Entre 1991 et 2001, les guerres se succèdent entre les six républiques de la Yougoslavie. La plupart se terminent par des accords de paix, impliquant la reconnaissance internationale des nouveaux États mais avec des pertes humaines énormes à chaque fois.

La guerre de Bosnie a duré de 1992 à 1995. Tous les bosniaques de plus de 30 ans ont donc vécu cette guerre.

La Bosnie est marquée par sa multi-ethnicité : 43,7 % de religion musulmane, 31,4 % de Serbes orthodoxes, 17,3 % de Croates catholiques, 5,5 % de Yougoslaves.

A l’éclatement de la Yougoslavie, la guerre oppose des forces serbes, croates et bosniaques. Les Bosniaques se battent pour la république de Bosnie-Herzégovine. Les Serbes de Bosnie sont soutenus par la Serbie. Enfin, les Croates de Bosnie sont soutenus par la Croatie. Chaque pays voisins veut étendre son influence et créer une Grande Serbie, une Grande Croatie… Ils voulaient donc se partager la Bosnie.

Malgré le déploiement des forces de l’ONU dès juin 1992, la guerre a fait plus de 100 000 morts (dont la moitié de civils). Le génocide bosniaque fut le premier crime européen à être officiellement jugé depuis la Seconde Guerre mondiale, et de nombreux participants clés furent accusés de crimes de guerre.

Les accords de Dayton en 1995, sous l’égide des USA, mettent fin à la guerre.

Le siège de Sarajevo

En tant que capitale, Sarajevo a subi d’importants dommages. Il s’agit du siège le plus long de l’histoire moderne. Du 5 avril 1992 au 29 février 1996, les serbes ont assiégé la ville, faisant vivre l’enfer aux habitants. Les serbes ne voulaient pas rentrer dans la ville et mener une guerre de type guérilla dans la capitale. Ils ont préféré bombarder les habitants, les affamer, et mener une guerre psychologique.

Le premier bâtiment touché a été la Poste, qui abritait le système téléphonique, afin de couper la ville du reste du monde. Les seules communications des habitants avec l’extérieur étaient des lettres que la Croix Rouge faisaient sortir de la ville.

Le nombre de morts civils est estimé à 12 000, dont 1 500 enfants. Les rapports indiquent une moyenne d’environ 329 impacts d’obus par jour pendant le siège. Avec un pic à plus de 3 000 obus un jour de juillet 1993. Les obus visaient toutes les structures : habitations, écoles, hôpitaux… On voit encore des traces de ces évènements dans la ville, avec des façades d’immeubles encore criblées de balles. Neno se réfugiait très souvent dans la cave de leurs immeubles, avec les autres habitants, pour se mettre à l’abri. Il y restaient de nombreuses heures avant d’en ressortir.

Sarajevo impacts guerre

Il y avait aussi des snipers serbes à quelques endroits. Une avenue est surnommée Sniper Street. Neno a des photographies de l’époque. C’est hallucinant de voir l’état de désolation de la ville comparé à aujourd’hui.

Le siège de Sarajevo est un échec total des forces l’ONU. La France verrouillait les postes clés, et tout en s’interposant, la force refusa d’intervenir directement contre les armées serbes. Un rôle ambigu… La Russie, allié de la Serbie, les protégeait aussi à l’ONU.

Le massacre de Srebenica

Le comble de l’horreur est atteint au village de Srebenica. En juillet 1995, donc proche de la fin de la guerre, les serbes occupent une moitié du pays. Mais il y a ce petit village encore occupé par des musulmans. En 4 jours, 8 000 hommes et adolescents sont massacrés. Ce nettoyage ethnique a été reconnu comme génocide par la Cour Pénale Internationale.

Sarajevo srebenica
Le phénix

Mais malgré cette tragédie, la ville se relève de ces cendres, tel un phénix.

La vie a reprit. La ville se modernise et se développe, à l’image de centres commerciaux et quelques tours qui poussent. A l’image aussi du joli hôtel de ville.

Après la visite guidée, on perd toute foi en l’humanité. L’Homme est capable des pires horreurs, et le monde regarde et laisse faire. Il y a même des riches états-uniens, italiens, allemands…qui payaient les serbes pour venir tirer au sniper sur des personnes (voir le documentaire Sarajevo Safari).

Mais la volonté de Neno et son envie d’améliorer les choses donnent de l’espoir. C’est toujours impressionnant la capacité de l’Homme à se relever et à aller de l’avant à nouveau. Malgré les pertes, malgré les dommages, malgré la peur…

La forteresse jaune

Pour admirer cette ville dans son ensemble qui se reconstruit, rien de mieux que d’aller à la Forteresse Jaune. En plus, il y a un petit café sur place qui permet de boire quelque chose en contemplant la vue magnifique sur la ville et sur les montagnes enneigées derrière (et oui, ne pas oublier que Sarajevo a accueilli les Jeux Olympiques d’hiver de 1984 et que la ville est recouverte de neige l’hiver !).

Après 3 jours à Sarajevo, il est temps pour moi de continuer ma route. J’ai l’habitude de dire que je n’aime pas trop les villes. Sarajevo est une exception. J’ai adoré ! Agréable à vivre, plutôt calme pour une capitale, plein d’endroits sympas… Et énormément de choses à apprendre sur l’histoire du pays !


5 commentaires

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[…] Mais un petit moment de panique : aux antennes, je tâte mes poches de pantalon. Plus de téléphone portable. Oh non, il a dû tomber en marchant ! Mais il ne doit pas être loin car je me rappelle avoir vérifié l’itinéraire à un croisement juste avant les antennes (il n’y a aucune indication sur les sentiers). Je reviens sur mes pas et après 10 minutes à scruter le sol, je le vois par terre, intact. Ouf, je n’ai pas envie d’en racheter un tous les mois (après celui de Sarajevo…). […]

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