La vallée du Wakhan longe la frontière afghane sur des centaines de kilomètres. On y découvre une autre facette du Tadjikistan et des paysages de montagne grandioses.

« Le voyageur est celui qui, un jour, a pris conscience devant une glace qu’il était un animal, qu’il avait des jambes et que ces jambes-là, l’évolution ne l’en avait point doté pour qu’il passât son existence entière le cul dans un fauteuil. »

Sylvain Tesson

Comme le précédent article, je commence par la carte :

Carte Pamir

Cette deuxième partie concerne la Vallée du Wakhan, le trajet en marron tout en bas, jusqu’à revenir sur la Pamir Highway au niveau de Alichur (route en rouge).

Bon, un petit coup d’œil sur France Diplomatie n’incite pas forcément à y aller (zone formellement déconseillée), mais comme souvent, il faut prendre leurs informations avec des pincettes. En effet, la présence des Talibans de l’autre côté de la rivière inquiète forcément mais il n’y a vraiment aucun risque du côté tadjik. Et maintenant que les Talibans sont au pouvoir, ils ne font plus d’incursions dans les territoires voisins et essayent de se faire bien voir.

Il faut se renseigner sur les sites officiels avant d’aller dans un pays évidemment, mais aussi vérifier la pertinence de ces infos en parlant avec d’autres voyageurs. C’est le même cas que quand j’étais allé dans le Kurdistan Iranien.

Bref, poursuivons le récit de notre périple en 4×4 !

Jour 4 : Khorog – Ishkashim

Danijel et Sage sont entrés au Tadjikistan en faisant leur visa à la frontière. C’est moins cher mais ça a le désavantage qu’ils doivent aller au bureau des visas pour enregistrer leur présence sur le territoire. Ils n’ont pas pu le faire à Douchanbé car c’était férié, mais un de ces bureaux se trouve aussi à Khorog. On pensait que ça serait fait rapidement mais l’employé leur indique que ça ne sera prêt qu’à 15h (alors qu’ils y sont allés à 8h30). Ça change nos plans pour la journée évidemment !

La bureaucratie tadjik a l’air très compliquée : les prix et les documents à fournir ne sont pas les mêmes à Douchanbé qu’à Khorog ! Chacun fait un peu comme il veut j’ai l’impression !

Beaucoup de policiers dans les rues de Khorog aujourd’hui. On nous dit que des VIP sont en visite (des membres du gouvernement probablement).

On glande le matin, et je retrouve Romain pour déjeuner le midi dans un bon restaurant indien.

En route !

Comme prévu, on peut partir à 15h après avoir toutes les autorisations administratives. C’est parti pour 105 kilomètres jusqu’à Ishkashim !

Wakhan

On a toujours la tête tournée vers la droite, pour regarder du côté afghan (sauf le conducteur évidemment !). Il y a que des petits villages, on voit par moment des gens se déplacer avec des ânes ou de vieilles motos.

Côté tadjik, c’est peu peuplé également. Cette grande région de l’Est du pays, surnommée GBAO, représente 47% du territoire mais seulement 3% de la population.

Vallée du Wakhan

A un arrêt pour admirer la vue, je vois un gamin afghan de l’autre côté de la rivière. On se fait de grands saluts et main sur le cœur (salutation respectueuse dans ces pays). A côté de lui, écrit sur la berge de la rivière avec des galets : I love you.

Ce moment m’a pris aux tripes. Un échange simple mais fort émotionnellement avec ce jeune afghan qui rêve sûrement d’un meilleur avenir.

Wakhan afghanistan

On arrive à 19h15 à Ishkashim (Guesthouse Ren). J’y retrouve Lucas à nouveau. J’ai l’impression de croiser du monde que je connais tous les jours ! Sûrement un peu trop bavard dans les auberges, je cause à tout le monde !

Jour 5 : Ishkashim – Langar

Départ à 8h30 de notre guesthouse pour cette étape de 110 kilomètres le long de l’Afghanistan. La gérante de notre hôtel à Khorog nous avait conseillé plusieurs arrêts le long de ce trajet. On a suivi ses conseils et elle ne s’est pas trompée !

Le premier stop se fait à une ancienne forteresse, Qahqaha. Il n’en reste quasiment plus rien mais la vue y est superbe.

forteresse Qahqaha

Prochain arrêt à une autre forteresse, Darshay. Même constat : il n’y reste pas grand chose mais beau paysage !

Darshay forteresse

Troisième arrêt ? Une forteresse évidemment. Mais celle-ici, la Yamchun, est mieux conservée et plus grande.

Yamchun forteresse

Elle est aussi plus éloignée de la route que les autres. Il faut emprunter une petite piste qui grimpe fort durant 7 kilomètres pour l’atteindre. On y domine la vallée du Wakhan et on fait face aux sommets de l’Hindou Kouch, la principale chaîne de montagnes d’Afghanistan.

Un kilomètre plus loin se trouvent les sources d’eau chaude de Bibi Fatima (fille de Mahomet). Les bassins sont à plus de 40°C (un bassin pour les hommes, un bassin pour les femmes). Un moment de détente agréable après la piste poussiéreuse !

Le dernier arrêt se fait à un très ancien stûpa bouddhiste (je ne pensais pas trouver des traces de cette religion par ici !), près du village de Vrang.

Vrang stûpa

Durant toute cette journée, on a pu constater que la vallée du Wakhan est fertile avec la fonte de neiges qui alimente les cours d’eau et donc les champs. La vie en autarcie y est donc possible.

Vrang

On trouve un vendeur d’essence à Zong. Il n’y a pas de station-service par ici évidemment. Il faut repérer les cuves avec des seaux à côté. Un habitant passant par là appelle ensuite le gérant pour qu’il vienne abreuver notre 4×4 du précieux carburant !

Vallée du Wakhan essence

On peut rejoindre tranquillement ensuite Langar, notre étape du soir. On dort à l’hostel Behruz. Belle première journée dans la vallée du Wakhan, qui tient toutes ses promesses !

Piste Wakhan
Jour 6 : randonnée au camp de base du pic Engels

Pas de changement de village aujourd’hui, on laisse nos affaires dans la chambre. Mais pas de repos pour autant, bien au contraire ! On se lève à 5h15 et on part avec le 4×4 pour revenir au village de Zong, à 15 minutes. On gare la voiture plus haut dans la montagne et on débute notre randonnée vers 6h30. Il est important de commencer tôt pour éviter de marcher quand il fait trop chaud (pas d’ombre du tout !).

Le chemin monte progressivement jusqu’au hameau de Dirj, où les habitants travaillent déjà la terre et s’occupent des bêtes. On longe ensuite la rigole d’eau fabriquée par les locaux pour amener l’eau jusqu’à chez eux. Ce sentier en balcon au-dessus de la Wakhan est plat et très joli !

Pic Engels randonnée

On bifurque ensuite dans une vallée où serpente une rivière puissante.

Pic Engels randonnée

Après 12 kilomètres et 1 000 mètres de D+, on arrive au camp de base du pic Engels (6 510 mètres), non loin du pic Karl Marx. Et oui, on est dans une ancienne république soviétique et à l’époque, les alpinistes de l’URSS n’avaient pas le choix sur le nom à donner à leurs conquêtes !

Des bergers sont là avec leurs troupeaux.

Pic Engels randonnée

Le camp de base est vide. Il est juste matérialisé par des cairns au sol. Magnifique décor avec ces hauts sommets !

Je repère un lac sur maps.me un kilomètre après le camp de base. Tant qu’à être là, on décide de poursuivre et d’aller voir ça. Bon choix, c’est encore plus beau ! Un endroit parfait pour pique-niquer !

Pic Engels lac

On vérifie l’altitude : 3 970 mètres. On monte sur une colline à côté : 4 003 mètres ! Ça fait longtemps que je n’étais pas monté à 4 000 mais comme avant, l’altitude n’a aucun effet sur mon organisme. Pas essoufflé du tout, pas de mal de tête…

A midi, on commence la longue descente. On voit de très nombreux hauts sommets de l’Hindou Kouch.

Retour à la voiture à 15h30 puis à Langar. On est crevé après 25 kilomètres de marche et le dénivelé, mais ça valait le coup !

Pic Engels randonnée
Jour 7 : Langar – Alichur

On part tôt à nouveau, à 7h45. Route très mauvaise : étroite avec un grand ravin, des cailloux… Ce départ matinal se justifiait par une rivière à traverser 15 kilomètres après Langar (le pont est cassé). Il est toujours plus simple de traverser une rivière le matin, car le courant est moins fort que l’après-midi (la chaleur et le soleil accélère la fonte des neiges et donc la puissance des rivières).

Au final, il n’y avait que 20 centimètres d’eau. On aurait pu dormir plus longtemps, on ne risquait pas grand chose avec le 4×4 !

Le paysage est magnifique avec des gorges et canyons.

Cette portion est très peu empruntée. On croise une voiture par heure, pas plus ! Un sentiment génial de solitude et d’isolement ! On quitte finalement la vallée du Wakhan pour monter vers le col du Khargush, à plus de 4 000 mètres d’altitude. Au revoir l’Afghanistan !

Col Khargush

Le col de Khargush est symbolique mais pas le plus beau que j’ai vu. On n’a pas une vue dégagée sur des vallées de chaque côté. Mais on ne va pas se plaindre, c’est beau quand même !

Grande ligne droite en tôle ondulée pour la descente. Faut rouler à plus de 50 km/h pour éviter que ça secoue trop sur ce type de route (voir le film Le Salaire de la peur pour comprendre !).

Descente Khargush

On rejoint finalement la mythique route M41, la Pamir Highway, l’une des routes les plus hautes au monde. Highway signifie autoroute en anglais, mais faut pas rêver, ça n’en est pas une du tout ! Mais on retrouve une route asphaltée, et c’est déjà ça !

Pamir Highway
Alichur

On arrive à Alichur vers 13h30. On loge à Marco Polo Hostel, à la toute fin du village avec vue dégagée sur le haut plateau et les montagnes.

Alichur

Ce village est le premier qu’on visite de la Pamir. Très étrange ! Une sorte de western tadjik avec les rues poussiéreuses ! Des petites maisons bordent ces rues désertiques battues par les vents.

Électricité aléatoire, pas d’eau courante… Il y a des puits dans le village où les habitants viennent puiser leur eau.

Des carcasses d’animaux morts à la sortie du village, des carcasses de voitures et motos un peu partout… Une ambiance unique ! Je croise un mec sur un side-car sûrement plus vieux que moi.

A force de se balader, on croise quand même plusieurs habitants.

Alichur

On a l’impression à la vue de l’état des équipements que plus rien n’a bougé depuis la chute de l’URSS en 1991. Les balançoires et les paniers de baskets sont rouillés.

En début de soirée, les habitants ramènent au chaud leurs troupeaux de chèvres alors que les yaks continuent de paître tranquillement, insensibles au froid.

On remarque un vrai changement par rapport à la vallée du Wakhan : ces plateaux à 4 000 sont peuplés de Kirghizes, au faciès différent des afghans du Wakhan.

Un nouveau périple commence sur la Pamir Highway !

Wakhan groupe

2 commentaires

La Pamir Highway, route mythique du Tadjikistan - Y a qu'à rêver · 13 juillet 2023 à 14h54

[…] La vallée du Wakhan […]

De Douchanbé à Khodjent, dans le nord du Tadjikistan - Y a qu'à rêver · 16 juillet 2023 à 10h11

[…] Le Tadjikistan est vraiment composé d’une multitude d’ethnies : des afghans, des kirghizes, des […]

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