Ala Köl est un lac à 3 500 mètres d’altitude dans les montagnes du Tian Shan, au Kirghizistan. Une seule solution pour y aller : marcher ! Un trek de 3 jours existe en partant de Karakol et en finissant à Altyn Arashan.
« Partir, c’est revivre. Tout recommence, je ne sais pas ce que je vais traverser. Le soleil se lève, rouge comme il s’est couché hier. L’air étincelle de givre en suspension et j’avance dans une réalité plus belle qu’une féerie ».
Ella Maillart
Première étape : Karakol
Je suis arrivé à Karakol par un trajet en marshrutka de six heures depuis Bichkek. On a longé la rive nord du grand lac Issyk-Kul, qui est bien plus fréquentée que la rive sud paraît-il. De nombreux touristes russes et kazakhs viennent y passer leurs vacances. Le climat y est agréable et il est possible de se baigner dans le lac. De nombreux hôtels ont donc poussé dans le coin, notamment à la ville de Cholpon-Ata.
J’ai filé directement à Karakol, n’étant pas très intéressé par cette ambiance « station balnéaire ». Karakol est la principale ville de la région avec une population d’environ 70 000 habitants. J’ai logé dans une auberge un peu excentrée du centre-ville mais très bien avec un beau jardin (Duet Hostel).
Mon premier jour complet à Karakol a été marqué par l’indécision. Je vérifiais la météo toutes les 30 minutes pour voir les prévisions des prochains jours dans les montagnes ! Finalement, la sieste d’après manger porte conseil et c’est décidé : départ demain pour le trek de 3 jours pour aller au lac Ala Köl !
Je sors en fin d’après-midi pour me balader dans la ville et voir notamment la mosquée Dungan, ressemblant à un temple bouddhiste, et la belle Cathédrale de la Sainte-Trinité, tout en bois.
Préparation du trek
Direction le supermarché ensuite pour faire des provisions pour le trek en autonomie : noodle, muesli, barres de céréales, bananes, tomates, pain, fromage, boite de thon, noix, biscuits… Tout y est !
Je trouve une petite agence de randonnée où je loue des bâtons de trek, qui vont bien me servir vu le dénivelé !
Ensuite, je teste la cartouche de gaz achetée avec mon réchaud. Et là, c’est la cata ! La cartouche de gaz prend feu, à cause d’une fuite. Je la jette dehors pour pas cramer l’auberge et l’éteins en mettant les mains dans le feu. Sur le coup, avec l’adrénaline, j’ai agi sans trop réfléchir, le plus vite possible. Mais 30 secondes après, une grosse douleur à un doigt et à un poignet ! En cas de brûlure, c’est plutôt bon signe d’avoir très mal, ça signifie que les nerfs ne sont pas atteints. Je passe mes mains sous l’eau froide plusieurs minutes et file à la pharmacie acheter de la crème antibiotique pour les brûlures.
J’achète une autre cartouche de gaz du coup et jette la défectueuse. Saloperie !
Après ces péripéties, je finis de préparer mon sac et dîne avec un couple de français, Audrey et Adrien, avec qui je vais partager le taxi le lendemain matin pour aller au début du trek d’Ala Köl.
Jour 1 : de Karakol au lac Ala Köl
Distance : 16 kilomètres
Dénivelé : passage de 2 110 mètres à 3 625 mètres d’altitude
Taxi à 7h30, comme prévu, pour aller au premier pont de la vallée de Karakol. Notre chauffeur a une vieille voiture et le bas de caisse frotte par terre au moindre petit trou. Une voiture pas du tout faite pour la piste qu’on emprunte, si bien qu’on met 45 minutes à faire les 12 kilomètres !
La vallée de Karakol
Mais on arrive bel et bien au début du sentier, avec l’envie de se dégourdir les jambes sous ce beau soleil.
Assez rapidement, Adrien et Audrey me disent qu’ils ne vont pas pouvoir suivre mon rythme. On décide donc se séparer et se retrouver plus tard durant le trek. C’est mieux que chacun marche à son rythme, même s’ils sont très sympas et que leur compagnie est agréable !
En montagne, je préfère marcher seul de toute façon. Oui, je me transforme toujours en ours quand je suis entouré de hauts sommets.
Le chemin suit la vallée de Karakol : beaucoup de sapins, de végétation, des cours d’eau, les montagnes… On se croirait dans les Alpes !
Je croise un local à cheval qui conduit ses cinq vaches plus bas dans la vallée, pour me rappeler qu’on est bien au Kirghizistan et non dans les Alpes !
De notre départ au camp 1, ça monte doucement, sans difficulté particulière, pendant 9,6 km pour + 430 mètres de dénivelé. C’est fait en un peu plus de deux heures.
La montée raide vers le lac Ala Köl
Puis le sentier quitte la vallée de Karakol et monte dans la forêt. Le chemin est à l’ombre ce qui n’est pas désagréable car il commence à faire chaud !
Du camp 1 à la hutte Sirota, 430 mètres de dénivelé positif à nouveau, mais en seulement 2,9 kilomètres cette fois. Je double quelques personnes, les premiers randonneurs que je vois de la journée.
J’arrive à Sirota vers 11h45, à 2 964 mètres d’altitude. Je me pose au bord de la rivière et pique-nique durant une petite heure.
Beaucoup de randonneurs stoppent leur première journée ici pour dormir, mais il est encore tôt et je ne suis pas du tout fatigué.
Vient ensuite la principale difficulté de la journée : 3 kilomètres de montée et 665 mètres de D+ ! Très pentu, dans les cailloux et rochers. Des nuages rafraîchissent l’atmosphère, ils sont les bienvenus !
Le sentier suit un torrent puissant avec des cascades.


L’arrivée au lac Ala Köl
A 14h30, après cette grosse difficulté, j’aperçois le lac Ala Köl pour la première fois. En plus, le soleil décide de réapparaître à ce moment là !
Maintenant, il s’agit de trouver un spot de bivouac pour la nuit. Il y a un camp avec des tentes en permanence pour que puissent dormir les randonneurs sans leur matériel. Coût : 40 euros la nuit dans la tente ! Je suis content d’avoir tout ce qu’il faut ! Ce tarif est justifié par le fait que toutes les provisions et le matériel sont montés à dos d’hommes car aucun cheval ni mule ne peut passer les pentes pour atteindre le lac.
Je décide de m’éloigner de ce camp pour être tranquille. Trois catalans sont installés près d’une petite source d’eau. Il y a peu de surface plane dans l’herbe, alors je m’installe à 50 mètres d’eux.
Un coup de tonnerre éclate, et j’installe ma tente en deux minutes avant que la pluie ne tombe. Timing parfait !
Malgré les averses de grêle intermittentes, je me lave avec l’eau de la source à l’aide de ma casserole et d’une bouteille d’eau. C’est très frais et vivifiant ! Les espagnols, emmitouflés dans leurs doudounes, me prennent pour un fou.
Le soleil réapparaît entre deux averses. Un arc-en-ciel se créé dans le ciel. Vraiment heureux d’être là avec ce bivouac incroyable !
Bricolage improvisé
Moins drôle : à la fin de la montée, mon appareil photo est tombé de ma poche et les lames qui se déplient pour protéger l’objectif lorsqu’il est éteint se sont bloquées. J’essaye de réparer avec mon opinel, mais sans succès. Pour pouvoir continuer à l’utiliser facilement, je décide de démonter l’objectif et de retirer les six lames et ressorts. Je les conserve précieusement dans un petit sachet, et je trouverai bien un magasin de réparation à Almaty probablement. Il n’y a rien de cassé je pense, juste le choc qui a fait bouger le système.
L’appareil photo fonctionne toujours, et je peux donc continuer à photographier ce bel endroit !
Nuit fraîche
Dîner tôt et dans le sac de couchage à 20h30. Beau ciel étoilé la nuit. Les montagnes qui m’entourent font partie de la chaîne du Tian Shan, qui signifie « Montagnes Célestes ». Je comprends pourquoi.
Mais nuit très fraîche et humide à plus de 3 500 mètres d’altitude ; je n’ai pas bien dormi du coup. Le bruit des glaciers qui craquent et des rochers qui chutent m’ont accompagné durant mon sommeil. Ambiance haute montagne !
Jour 2 : de Ala Köl à Altyn Arashan
Distance : 12 kilomètres
Dénivelé : passage de 3 532 à 3 916 mètres, puis descente à 2 551 mètres
Levé à 6h30, et départ deux heures plus tard après avoir rangé les affaires de bivouac. Aujourd’hui, pas de démarrage progressif… Dès le début, il faut monter au col d’Ala Köl, à 3 916 mètres, à travers un « chemin » dans les pierres et rochers. Mais la vue durant la montée est déjà incroyable.
La météo est encore une fois parfaite. Un ami voyageur a fait ce trek il y a deux semaines et il a eu de la neige, du vent, de la grêle… Et aucune vue depuis le col du coup car bouchée par les nuages. Je suis donc bien content d’avoir analysé la météo avant de partir pour avoir cette récompense, même si ça peut changer très vite par ici les prévisions.
Le col Ala Köl, la récompense ultime !
Après 50 minutes pour monter les 400 mètres de dénivelé, j’arrive au col. Quel sentiment incroyable ! Je pense sincèrement que c’est l’un des plus beaux lacs de montagne que j’ai vu de mes voyages (en compétition avec la Laguna 69 dans les andes péruviennes, le lac Gokyo dans l’Himalaya et le lac Blanc dans notre massif du Mont Blanc !).
La couleur de l’eau est exceptionnelle, les hauts sommets enneigés du Tian Shan encerclent le lac… Comment faire mieux comme paysage ?!


Il ne fait même pas froid et je reste donc une heure en tout au col. Je ne me lasse pas de ce panorama unique et ne veux pas partir !
Finalement, je vois de gros nuages au loin, et ça peut aller vite en montagne. Je décide de quitter le col et de descendre vers la vallée de Altyn Arashan. La descente est réputée dangereuse. C’est le cas si on prend le sentier qui bascule directement de l’autre côté quand on arrive depuis le lac, car très pentu et si on tombe, la glissage dans les cailloux va être longue… Mais en longeant la crête sur la droite, un sentier en zigzag et en sable permet de descendre plus facilement.
La vallée d’Altyn Arashan
Après 30 minutes de descente, un coup de tonnerre éclate. Pas de pluie où je suis, mais Audrey et Adrien étaient plus haut peu après le col et se sont pris de la grêle ! Ça se joue à pas grand chose des fois !
La première partie de la descente se fait dans un paysage minéral, avec peu de végétation.


Puis les arbres réapparaissent au fur et à mesure qu’on perd en altitude. Une rivière à traverser avec une barque mise en travers pour servir de pont. Une question : comment cette barque est arrivée là ?!
La descente est très longue et me fait mal au genou droite malgré les bâtons de rando. Il y a quand même 1 400 mètres de dénivelé à descendre !
Je suis donc bien heureux lorsque j’arrive dans la vallée d’Altyn Arashan, où tout est bien vert.
Je longe la rivière en passant à travers les troupeaux de chevaux et de vaches.
Quelques yourtes isolées sur les pentes de la vallée. J’adore voir ces ronds blancs au loin, avec une petite fumée qui en sort.
Les sources d’eau chaude
J’arrive au village d’Altyn Arashan à 14h30. L’endroit est connu pour ses sources d’eau chaude et est assez visité par des touristes coréens notamment qui viennent à la journée depuis Karakol. Je me mets en tête de trouver des sources d’eau chaude en dehors du village et poursuis. Mais la source indiquée sur maps.me est vide. Rien, pas une goutte ! De plus, la zone pour bivouaquer n’est pas top car pas accès à la rivière à cause de petites falaises et un torrent puissant. Je décide de retourner vers le village. Voilà comment je me rajoute quatre kilomètres de marche inutilement !
J’installe ma tente sur une petite colline juste à la sortie du village. Bel endroit, je ne regrette pas d’être revenu !
Une fois installé, je trouve une guesthouse du village pour aller dans sa source d’eau chaude. 2 euros pour 30 minutes de bonheur ! L’eau est à environ 45 degrés. Ça fait un bien fou aux muscles de se relaxer dans ce petit bassin. Attention, ce n’est pas une thalasso comme en France ; le bassin est dans une petite cabane en bois au bord de la rivière. Simple mais efficace !
Je me suis endormi à 20h30 après cette belle journée ! La température durant la nuit a été parfaite pour mon sac de couchage et pas humide.
Jour 3 : d’Altyn Arashan à Ak-Suu
Distance : 15 kilomètres
Dénivelé : passage de 2 551 à 1879 mètres
Je pars à 8h15 après cette bonne nuit dans ma tente. Le ciel est toujours bleu pour ce troisième jour de randonnée. Je quitte le beau village d’Altyn Arashan avec les rayons de soleil qui illuminent la vallée.
Le chemin pour aller à Ak-Suu suit une piste utilisée par les 4×4 pour amener les touristes au village d’Altyn Arashan. Il n’y a pas un flot ininterrompu de véhicules mais suffisamment pour que ce soit désagréable parfois. Par contre, certains véhicules sont de vieux vans passe-partout vraiment stylés ! Je veux voyager avec ça un jour !
En plus du mal de genou, des ampoules apparaissent à mes pieds. Décidément, les descentes, ce n’est vraiment pas fait pour moi ! Les kilomètres défilent mais ça me paraît long tout de même. Heureusement, quelques belvédères permettent d’avoir de belles vues et de faire de petites pauses agréables.
Lors d’une de ces pauses, Audrey et Adrien me rattrapent. Je ne les avais plus vu depuis la veille au matin avant la montée vers le col. On finit donc le dernier kilomètre ensemble. Ainsi, on a commencé et fini ensemble !
On attend quelques minutes à l’arrêt de bus d’Ak-Suu et la marshrutka arrive. Trek officiellement fini vers 12h30 ! Direction Karakol, à 15 kilomètres par la route !
On retourne à la même auberge. Repos bien mérité, bon repas, bières… Le réconfort après l’effort ! Appel de ma sœur pour son anniversaire et quelques conseils pour soigner ma brûlure au poignet (pratique d’avoir une sœur médecin !).
Je ne reste qu’une nuit à Karakol et file le lendemain au petit village de Jyrgalan, tout à l’est du Kirghizistan !
Ce trek pour aller au lac Ala Köl est plus que splendide. Il sera à coup sûr l’un de mes meilleurs souvenirs de ce voyage !
2 commentaires
Issyk-Kul : le grand lac du Kirghizistan, et le canyon de Skazka - Y a qu'à rêver · 6 août 2023 à 10h56
[…] les randonnées à Karakol et Jyrgalan, j’ai décidé d’aller me poser deux jours au bord du lac Issyk-Kul, au […]
Song Kul : deux jours au bord du lac en yourte - Y a qu'à rêver · 12 août 2023 à 8h59
[…] contre, la ville de Kochkor m’a déçu. Je m’attendais à quelque chose de similaire à Karakol mais pas du tout ! La ville fait 10 000 habitants et s’étire le long de la route principale, […]