Pour traverser la Mer Noire de la Géorgie à la Bulgarie, j’ai opté pour la solution en ferry ! En effet, pas l’envie de parcourir à nouveau la Turquie, trop grand pays, et je voulais expérimenter cette vie sur la mer pendant trois jours.
« Certains hommes espéraient rentrer dans l’Histoire ; nous étions quelques uns à préférer disparaître dans la Géographie. »
Sylvain Tesson
Pourquoi le ferry ?
Depuis la Géorgie, trois solutions pour rejoindre l’Europe :
- par la Turquie, comme j’ai fait à l’aller. J’ai adoré ce pays, mais il est grand et le traverser à nouveau m’aurait pris du temps et je ne voulais pas arriver trop tard en Europe pour encore profiter de belles journées,
- par la Russie : toujours les mêmes problèmes avec le visa…
- par la Mer Noire, avec une traversée en ferry. Je voulais expérimenter ce moyen de transport que je n’avais pas encore utilisé de ce voyage.
Les liaisons
Deux compagnies font les liaisons entre la Géorgie et la Bulgarie :
- Navibus, entre Poti (Géorgie) et Varna (Bulgarie). A ce qu’il paraît ils ne prennent plus de passagers, uniquement du fret avec les chauffeurs. Mais ils n’ont jamais répondu à mes mails…
- PBM, entre Batoumi (Géorgie) et Burgas (Bulgarie). La compagnie a répondu très rapidement à mes mails, de façon très compréhensible et professionnelle. J’avais confiance donc c’est la compagnie que j’ai choisi.
Dans le précédent article, sur mon trajet entre Alaverdi et Batoumi, j’évoquais mon besoin d’avoir des euros. Car effectivement, le trajet est à payer en liquide : 200 euros pour un passager et 250 euros pour la moto, soit 450 euros au total.
L’achat du billet à Batoumi
Comme demandé dans un mail par la compagnie, je me rends le lundi en fin de matinée à leur bureau près du port de Batoumi. On ne peut pas dire que leur bureau fait très multinationale. On comprend vite qu’on à affaire à une petite entreprise ! D’ailleurs, ce n’est même pas écrit PBM sur la devanture mais « Eurasia Roro Line », comme sur google maps d’ailleurs.
Il est 11h mais le mec me dit qu’il va vendre les tickets qu’à partir de 12h30. Pourquoi ? Un grand mystère mais il n’a pas voulu déroger à cette sacro-sainte règle.
J’ai attendu car je n’avais pas de billet, juste une confirmation par mail que j’avais bien une place réservée. Et il fallait payer aussi éventuellement !
Finalement, j’obtiens le précieux sésame après m’être allégé de 450 euros. Je donne le numéro de téléphone de la gérante de mon auberge pour qu’il me prévienne quand il sera l’heure d’embarquer car ils n’en savent rien à ce moment là (normalement c’est vers 18h mais ça peut varier).
Dans le port, j’aperçois le ferry Drujba Line, celui que je vais prendre. Une bonne nouvelle déjà, il est bien arrivé !
L’embarquement
Je passe l’après-midi à glander à l’auberge (hostel47). A 19h, toujours aucune nouvelle et je commence à m’inquiéter. Et si la compagnie avait oublié de me prévenir ? Glander à l’hôtel ou au port ne change pas grand chose alors je décide d’y aller pour être sûr de ne pas louper le départ !
J’y rencontre une mère et son fils canadiens qui voyagent en van, et qui attendent aussi.
Vers 21h, on est autorisé à embarquer. Il y a une place pour la moto juste à l’entrée (je suis le seul motard parmi les passagers). On la sangle pour être sûr qu’elle ne bouge pas à cause de la houle. J’espère que la Loca n’a pas le mal de mer, c’est une première pour elle. Oui j’ai vraiment eu cette pensée, je deviens dingue.
A la réception, on remet à chacun la clé de sa cabine avec 4 lits. C’est mieux que ce à quoi je m’attendais. C’est petit évidemment mais propre et en bon état. Ça ne change pas beaucoup de mes dortoirs habituels finalement ! Il y a même des toilettes et douches dans chaque cabine.
Mais on n’est pas encore parti, loin de là…
Des vapeurs d’alcool face aux douaniers
Je partage ma cabine avec un géorgien et deux ukrainiennes qui vivent en Géorgie depuis le début de la guerre. On sympathise vite et ils ne sont pas venus les mains vides : du vin (beaucoup de vin), de la bière etc… Ça commence bien ! Une seule des ukrainiennes parle anglais donc elle fait traductrice. Parler russe me demande beaucoup d’efforts alors après quelques verres, ce n’est plus possible.
On commence à avoir une bonne chauffe quand un membre de l’équipage vient toquer à la porte vers 1h du mat’ pour nous dire que la police des frontières est à bord. Merde, on les avait oublié eux… C’est vrai qu’on va quitter le territoire géorgien et qu’il faut donc le tampon de sortie dans le passeport !
Direction la petite salle de pause aménagée pour l’occasion en bureau de douanes. C’est la première fois que je me retrouve bourré pour ce genre de moment. Ça m’a bien amusé !
Retour à l’apéro ensuite, qui terminera aux alentours de 3h du mat’ (personne n’est tout à fait sûr de l’heure du dodo). C’est l’heure à laquelle le bateau aurait quitté le port mais on ne l’a même pas remarqué.
Tchao Batoumi, la Géorgie et le Caucase !
La vie à bord
Les repas rythment la vie à bord : 8h le petit-déj, 12h le déjeuner, et 18h le dîner. Tout tourne autour de la bouffe, l’estomac étant la seule pendule fiable parmi cette immensité bleue. Mais 18h, c’est trop tôt pour moi… La nourriture est simple mais en quantité. C’est une sorte de restaurant routier flottant.
J’ai pris la plupart de mes repas avec un turc ayant vécu 30 ans en Hollande et vivant depuis 2 ans en Géorgie, et avec un tchétchène vivant au Danemark désormais. Ce dernier, ancien judoka professionnel, casse les coques des noisettes et des noix juste en les serrant entre ses doigts. Noisettes, j’ai réussi, mais noix impossible. Faut mieux pas lui serrer la main si vous voulez garder vos os intacts je pense…
On devait être 30 ou 40 passagers environ. La majorité était des chauffeurs poids lourds géorgiens ou bulgares. Mais il y avait aussi des personnes avec leurs voitures dont beaucoup d’ukrainiens qui retournent au pays voir leurs familles.
Contrairement à ce que j’avais pu entendre, l’ambiance à bord est tout à fait correcte. Personne ne picole (à part nous la veille), tout le monde est respectueux et fait attention à la tranquillité des autres… Bon, il y a toujours 4 ou 5 grandes gueules dans le lot mais ils ne sont pas méchants. Peut-être est-ce la campagne de prévention contre l’alcool très soviétique qui porte ses fruits ?!
La petite routine
J’ai vite trouvé ma petite routine :
- les repas, en prenant le temps de manger et de discuter avec mes compagnons de croisière 5 étoiles,
- passer une ou deux heures sur le pont à prendre l’air, regarder la mer, penser, divaguer…
- regarder un film dans le lit,
- admirer le coucher de soleil sur la Mer Noire le soir.
Films
Jusqu’à présent, en 6 mois de voyage, je n’avais regardé que deux films je crois. En voyage, je lis beaucoup et je fais la causette le soir dans les auberges donc pas besoin de cinéma. Mais là, en deux jours sur le bateau, j’ai regardé cinq films :
- « Sur les chemins noirs » : film tiré du récit de Sylvain Tesson sur sa traversée de la France à pied après son accident, avec Jean Dujardin comme acteur. J’ai adoré ce film, comme je suis fan de tous les livres qu’il peut écrire. Tesson est une grande source d’inspiration pour moi et ce n’est pas pour rien si ses citations apparaissent régulièrement sur mon blog. Il est d’une intelligence rare, avec un sens de l’aventure hors du commun et une écriture divine.
- « Uncut Gems » : on m’avait dit beaucoup de bien de ce film avec Adam Sandler. Sans doute un peu trop car je suis resté sur ma faim du coup, je m’attendais à mieux !
- « Sentinelle » : une comédie avec Jonathan Cohen. Je pensais que tout ce qu’il faisait était génial et drôle. Ce film vient contredire cette théorie !
- « Les Huit Montagnes » : un film italien magnifique sur l’amitié (la vraie, celle qui n’a pas besoin d’être entretenue comme c’est expliqué dans le film), la vie montagnarde, les voyages… Des thématiques qui me parlent beaucoup et qui sont très bien traitées dans le film. En plus, tourné dans le plus bel endroit au monde : les Alpes.
- « L’Illusioniste » : un film avec Edward Norton donc forcément bien. Un acteur au talent incroyable !
Sur le pont
Une toute petite partie du pont est accessible pour les passagers. Mais vu qu’on n’est pas nombreux, c’est suffisant.
J’ai passé beaucoup de temps sur le pont à regarder la mer. C’est monotone mais j’aime bien m’imaginer tout ce qu’il doit y avoir là-dessous. En plus des poissons, dauphins, requins..peut-être quelques sous-marins nucléaires russes en ce moment ?!
J’ai la chance d’avoir gardé mes yeux d’enfants face à la nature. Je suis toujours émerveillé par un rien. Ainsi quand j’ai vu des dauphins un matin, je suis resté deux heures ensuite à essayer d’en revoir. J’ai recommencé ma séance d’observation l’après-midi, avec succès puisque j’en ai encore vu ! Malheureusement, il est super difficile de photographier des dauphins, très imprévisibles et rapides…
Cependant, cette immensité fait peur. Je ne ferai jamais de traversée d’une mer en solitaire. Déjà d’une, je n’ai pas les compétences mais surtout ça m’effraie. Grimper une montagne en solo ne me pose aucun problème. Je ne me sens pas seul, les montagnes ont une âme, les falaises un caractère… Alors que la mer est un gouffre dans lequel on s’y enfonce. On quitte le port et l’abysse nous avale. Plus je vois la mer, plus je veux vivre à la montagne.
L’arrivée en Bulgarie
Le jeudi matin, les côtes bulgares sont en vue !
A 10h, on accoste dans le port de Burgas après les manœuvres du capitaine. Mais on ne quitte pas le ferry si facilement… On attend sur le pont sans savoir quoi. Des douaniers finissent par arriver et contrôlent uniquement les passagers ukrainiens en leur demandant plusieurs documents. Une fois que c’est fait, on est autorisé à descendre aux véhicules. Avec la moto, je suis le premier à sortir !


Le contrôle des passeports a lieu 100 mètres après ; simple formalité. Après exactement 6 mois de voyage, je suis officiellement de retour en Europe !
Ah, encore une barrière 100 mètres plus loin. Le mec de la sécurité me dit d’aller à un bureau de la douane. Là, un autre mec ne comprend pas pourquoi je suis venu, mais fini par photocopier passeport et carte grise et me donne un papier tamponné ensuite.
Je retourne voir le mec de la sécurité et lui donne cette feuille. Il me reproche de ne pas avoir rempli mon nom, prénom et signature. Il voit bien que ça me gonfle, surtout que j’ai remis les gants et le casque… Gentiment il propose de le remplir pour moi, mais évidemment il ne comprend pas le prénom « Guillaume » et n’a aucune idée de comment ça s’écrit. Je finis par lui dire qu’il comprend mal depuis le début et que mon prénom est José. Il écrit ça, signe à ma place et lève la barrière pour me libérer trois heures après avoir accosté.
Au bureau de la douane de Burgas, mon prénom est donc officiellement José. Font chier avec leur paperasse administrative que personne ne va lire de toute façon !
Bref, je suis de retour en Europe et c’est parti pour découvrir la Bulgarie !
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Sozopol - Le 11/09/2023 - Y a qu'à rêver · 15 septembre 2023 à 15 h 15 min
[…] donc ma première étape en Bulgarie après avoir débarqué dans ce pays en ferry depuis la Géorgie. Depuis Burgas, seulement une trentaine de kilomètres en longeant la côte pour rejoindre […]