« Pour moi, l’anniversaire, ce n’est pas seulement une fête de naissance. C’est le rappel que tu as une année de moins pour réaliser tout ce qu’il te reste à faire. »
Mike Horn
Pour cet été 2021, direction une nouvelle fois Chamonix (le 3ème été d’affilé !) mais cette fois-ci pour autre chose qu’un trek : un stage d’alpinisme avec l’UCPA !
J’avais déjà fait de l’alpinisme durant mon voyage en Amérique du Sud (Cotopaxi et Huayna Potosi), mais un peu par erreur comme je dis souvent. Je m’étais lancé dans l’ascension du Cotopaxi sans avoir la moindre idée de ce qui m’attendait (départ de nuit à la frontale avec piolet et crampons…). J’avais tout de même adoré ces expériences !
L’UCPA de Chamonix
Je voulais progresser dans ce domaine désormais, et retrouver l’atmosphère de la haute montagne. Chamonix est la Mecque de l’alpinisme en France, et même dans le monde. Alors rien de plus normal que d’y aller pour apprendre ! L’UCPA y possède un centre et propose des stages d’alpinisme, à un prix défiant toute concurrence : le stage avec guide + logement + repas + matériel pour 870 euros la semaine. Impossible de trouver moins cher ! Je n’ai pas hésité longtemps avant de m’inscrire. En plus, le centre est bien situé à Chamonix, avec en prime une très jolie vue sur le Mont Blanc depuis ma chambre :
Il y a trois niveaux différents : débutant, évolution, perfectionnement. Je me suis inscris dans le niveau du milieu, un peu au hasard. De toute façon, dès notre arrivée au centre le dimanche, on nous remet un petit formulaire pour détailler notre niveau et nos expériences. Cela permet aux guides ensuite de répartir tous les stagiaires parmi des groupes homogènes. J’étais dans un groupe de 4, avec Laurine, Oriel et Timothée.
Le stage d’alpinisme commence réellement le lundi. C’est parti !
Lundi : école d’escalade
Pour la première journée, direction le spot d’escalade en falaise des Gaillands, un peu plus bas dans la vallée de Chamonix. C’est un spot très connu dans le secteur, avec une multitude de voies pouvant satisfaire tous les niveaux.
On était tous plutôt novices dans notre groupe pour l’escalade. On a donc revu les bases : assurer quelqu’un, faire les nœuds etc… Au final, il n’y a rien de compliqué mais c’est important de bien maîtriser ces incontournables. L’escalade n’est absolument pas un sport dangereux, à condition de respecter ces bases.
Grimper en falaise est plus impressionnant que grimper en salle. Ce n’est pas la même sensation du tout ! Les prises sont moins flagrantes, tout comme la voie à suivre. Il faut s’habituer et c’était totalement nouveau pour moi.
On a passé la journée à grimper, notamment à escalader en tête. Cela exige plus de concentration que l’escalade à la corde, car les chutes peuvent être potentiellement plus longues !
Mardi : école de glace
Nouvelle journée = nouvelle école ! Direction la Mer de Glace ! Malgré la météo maussade de la journée, j’étais ravi d’aller enfin voir ce glacier.
J’ai vite déchanté… On a pris le train de Montenvers pour y aller. Ensuite on marche, on marche, on descend, on descend… Sur la roche, on peut lire parfois « 1920 », « 1985 », « 2000 », « 2015 » : cela indique le niveau du glacier aux années correspondantes. Il fond et recule à une vitesse folle… Ce mythique glacier est condamné à disparaître. Nos enfants ou petits enfants ne le verront que sur des photos. Ça fait mal au cœur d’avoir détruit cette merveille de la nature.
On passe en marchant devant la grotte de la Mer de Glace, que beaucoup de touristes visitent. Pour retarder la fonte, de grandes bâches blanches ont été posées sur la glace. Dame Nature, bienvenue aux soins palliatifs.
Bref, on arrive finalement à un endroit du glacier où l’épaisseur est encore assez importante. On met nos crampons, sort nos piolets… Je suis heureux rien que de refaire ces gestes ! De beaux souvenirs remontent.
On fait plusieurs exercices avec les crampons : descendre une pente de glace inclinée, la remonter en arrière, la descendre en faisant des sauts… C’est toujours impressionnant ce qu’on peut faire avec des crampons, mais ça chauffe les cuisses ! On utilise ensuite le piolet, en plus des crampons, sur des pentes très inclinées.
Même si ce n’était pas la première fois que je faisais ça, c’était tout de même intéressant d’avoir un vrai cours car mes guides sud-américains n’expliquaient pas grand-chose ! Contrairement à notre guide, Eric, qui a été super pédagogue tout au long du séjour !
Le temps devient menaçant en milieu d’après-midi avec de gros nuages noirs, le vent se lève… Un orage à venir ? Comme le dit Eric, en montagne, quand y a un doute, c’est qu’y a pas de doute à avoir… Alors on lève le camps et on rentre ! On ne reprend pas le même chemin pour revenir au train, mais on passe par les échelles. Ça raccourcit la marche et c’est plus drôle puisque c’est une sorte de via ferrata.
On finit la journée en apprenant de nouveaux nœuds, pour gérer la longueur d’une cordée.
Mercredi : école de neige
Les prévisions météo étaient mauvaises. Beaucoup d’autres groupes partaient faire de l’escalade en salle ce matin-là. On n’était pas intéressé du tout par ça… Je ne viens pas à Chamonix pour aller m’enfermer dans une salle d’escalade, alors que je peux très bien le faire à Nantes ! On insiste donc auprès d’Eric pour prendre le risque de tout de même aller en montagne. Si on prend une énorme averse et qu’on rentre trempé et frigorifié, tant pis pour nous..!
On prend le télécabine pour monter au Brévent, l’un des plus beaux belvédères du massif du Mont Blanc ! Mais on était dans les nuages, alors on ne voyait rien ! Tant pis, j’y étais déjà allé lors du Tour du Mont Blanc et du Tour des Aiguilles Rouges alors je connaissais déjà bien la vue !
Il y a encore énormément de neige en ce début juillet ; plus que l’année dernière. C’est parfait pour notre programme de la journée : apprendre à être à l’aise sur la neige. On n’a pas pris nos crampons volontairement. Si on peut marcher facilement sur des pentes de neige sans crampons, alors ça sera un jeu d’enfant quand on les aura aux pieds. Qui peut le plus peut le moins comme on dit !
On avance donc en taillant des marches, en enfonçant bien le talon etc… Et l’inévitable arrive : on se casse la gueule !
C’est aussi l’objectif numéro 1 de la journée : apprendre à arrêter une chute sur une pente de neige. C’était bien marrant les exercices ! On s’est trouvé une belle pente et c’est parti pour apprendre les techniques pour arrêter une chute en fonction de la position : chute sur le ventre les pieds en bas (le plus facile), chute sur le dos les pieds en bas, chute sur le ventre la tête en bas, et chute sur le dos la tête en bas (le plus flippant !). On a bouffé de la neige !
La météo se maintient bien, et Eric décide donc d’aller faire un peu de rocher. On a fait une petite course d’arête bien sympa, en apprenant l’assurage en mouvement (encordé à deux, et utiliser les rochers comme béquet). Par contre, la moindre section d’escalade est de suite bien compliquée avec les grosses chaussures d’alpinisme !
On aura été seul au monde cette journée, hormis un chamois croisé sur l’arête !
On rentre en toute fin d’après-midi, sans avoir pris la pluie au final. Quand on dit ça aux autres groupes qui ont passé la journée en salle, on peut lire la jalousie dans leurs yeux !
Jeudi : sommet La Floria
Comme la veille : prévisions mauvaises. Mais comme la veille : rien à foutre, on y va quand même ! Apprendre l’alpinisme dans des conditions un peu mauvaises est plus formateur je pense que d’apprendre sous un grand ciel bleu.
Pour cette journée, on prend le téléphérique et télésiège de la Flégère pour monter rapidement en altitude. Beaucoup de neige ici aussi ! Eric prend la décision de grimper le sommet de la Floria via un couloir de neige. En photo, ça paraît facile, mais je vous assure que la pente était bien inclinée et que c’était difficile de grimper !
Ce qui était super intéressant, c’est qu’on évoluait en cordée autonome. C’est-à-dire qu’on n’était pas encordé avec le guide mais entre stagiaires. Avec un guide, on est serein car tu sais que quoi qu’il arrive, il arrivera à te retenir ou faire le nécessaire. Par contre, quand tu es deux novices encordés, il faut être plus vigilant et bien se parler sur ce qu’on va faire, comment, quand etc… C’est très formateur car le guide surveille juste, mais ne fait rien à ta place.
La règle numéro 1 de l’alpinisme rentre bien dans la tête : ne pas tomber, tout simplement. Sinon, comme dit le dicton : « Si tu tombes, c’est la chute. Si tu chutes, c’est la tombe. »
Eric n’était pas encordé lui ; il pouvait ainsi se déplacer rapidement en cas de besoin. Et il ne risque rien car pour lui cette petite ascension équivaut à une balade digestive après un repas de famille du dimanche. Alors que nous on galérait à grimper, à planter nos crampons et piolets pour être stable etc…lui se baladait avec son petit parapluie bleu pour se protéger des quelques gouttes ! Il faut dire qu’il fait de l’alpinisme depuis 30 ans et qu’il a gravit toutes les faces Nord les plus difficiles des Alpes. Une vraie machine !
La fin de l’ascension se fait en terrain mixte rocher / neige. A peine arrivé là-haut, le vent se lève et la pluie tombe. On mange un bout rapidement pour reprendre des forces et redescente. La partie finale, la plus raide, n’est pas un plaisir à descendre ! Mais les pentes plus douces à la fin sont top : on glisse sur la neige, en utilisant le piolet comme d’un bâton pour ralentir, maintenir l’équilibre etc… C’est rapide comme ça !
On arrive au télésiège juste avant qu’il ferme car l’orage approche. On se dit qu’on a le timing parfait. Mais le télécabine lui a fermé deux minutes avant notre arrivée ! On attend donc 45 minutes que l’orage passe pour redescendre à Chamonix en milieu d’après-midi.
Mais la journée n’est pas finie : petite douche rapide, puis préparation des affaires, et on file au télécabine de l’Aiguille du Midi. En raison des conditions climatiques, celui-ci est normalement fermé, mais pas pour les alpinistes ! On ne monte pas jusqu’en haut, on s’arrête à mi-chemin au refuge du Plan pour y passer la nuit.
Ce refuge est plutôt petit et convivial. Il y règne une bonne ambiance. En plus, c’est le 8 juillet… Jour de mon anniversaire, et de mes 30 ans en plus cette année ! Je paye donc ma tournée au groupe, puis la bouteille de vin rouge à table. J’avais pas le mal des montagnes à 6 000 mètres, alors je peux bien m’autoriser à boire plusieurs verres d’alcool car demain on monte qu’à 3 800 !
Vendredi : Aiguille du Midi et Pointe Lachenal
C’est le grand jour ! L’occasion de mettre en pratique ce qu’on a appris !
On sort du refuge vers 7h. Il fait déjà jour évidemment à cette période de l’année. Pour la première fois de la semaine, on voit un grand ciel bleu !
On prend la première benne pour être les premiers à l’Aiguille du Midi, à 3 842 mètres d’altitude. La pression monte dans le télécabine quand on voit l’arête sur laquelle on va aller marcher…
Des deux côtés, il y a le vide… La règle numéro 1 s’applique particulièrement ici ! Une chute et tu te retrouves 1 500 mètres plus bas !
Par contre, on a un contretemps : il a neigé 60 cm de neige la nuit à cette altitude ! L’arête est donc recouverte d’une épaisse couche de neige… C’est dangereux, et notre guide décide donc d’attendre que des groupes expérimentés passent en premier pour faire la trace. On les voit se lancer depuis le haut de l’Aiguille et ça n’a pas l’air facile de s’enfoncer dans la neige, faire la trace pour les prochains, tout en gardant l’équilibre… Content que ce ne soit pas nous ! On préfère être là où on est sur notre perchoir, avec le Mont Blanc en face de nous !
Mais bon, on n’est pas venu là pour être spectateur ! Il est temps de se lancer… On va dans le couloir réservé aux alpinistes pour s’équiper. Baudrier, corde, crampons, guêtres, piolets, casques etc… Tout y est. La pression monte !
C’est pas le moment de flancher et de renoncer ! Alors go ! Premiers pas sur l’arête, la concentration est à son maximum dès le début !
On marche dans les traces des premiers passés, mais il y a eu tellement de neige qu’on s’enfonce quand même. Pas à pas, on avance. Doucement mais sûrement. Le pente s’incline fortement parfois mais ça passe en étant attentif.
On fait une première pause à un replat. Magique!
Le ciel est bleu, il y a une très bonne visibilité… On voit les montagnes de Suisse au loin, avec le mythique Cervin !
On poursuit assez loin sur l’arête. Mais on stoppe à un endroit où ça devient beaucoup trop technique et dangereux. Le guide voulait nous y amener car c’est un beau point de vue et de là on aperçoit de belles voies sur des montagnes aux alentours.
Retour sur nos pas ensuite pour descendre l’arête et aller sur le glacier du Géant, lui aussi recouvert de neige.
Ça devient plat mais on reste encordé. C’est même là le plus dangereux en fait : la neige tombée cette nuit en quantité recouvre les crevasses du glacier et les cache. De petits ponts de neige se sont formés et n’attendent que notre passage pour se casser et nous envoyer dans le fond de la crevasse. Il faut donc savoir « lire » la surface, en repérant les petites cassures, bosses etc…
On traverse le glacier au milieu de cette incroyable vallée blanche. Des skieurs se lancent de l’arête pour dévaler les pentes. Impressionnant !
Il fait déjà bien chaud et on arrive en milieu de matinée en bas de la Pointe Lachenal, du nom d’un des héros de l’expédition historique française qui a gravi le premier 8 000 : l’Annapurna. D’ailleurs, Louis Lachenal est mort en tombant dans une crevasse de cette vallée blanche. Un des ses compères de l’Annapurna, Lionel Terray, a écrit un livre dont le titre explique ce qu’est l’alpinisme : Les conquérants de l’inutile. C’est exactement ça : on se met en danger, on souffre physiquement et mentalement… Et pourquoi ? Pour atteindre un sommet et le redescendre dans la foulée. C’est stupide en soi, mais l’attirance est inexplicable et trop forte.
La Pointe Lachenal est une course cotée Facile, donc plus abordable que les ascensions faites en Amérique du Sud, cotées Peu Difficile. Mais notre guide en a décidé autrement ! On n’a pas emprunté la voie normale, qui est juste une ascension sur une pente de neige. On a commencé par une belle pente neige / glace en montant face à la pente avec piolets et crampons.
Ensuite, on attaque la partie escalade ! Et l’escalade avec le sac et les crampons aux pieds, c’est pas pareil ! Les crampons ne donnent pas trop confiance au début, mais juste en posant les deux pointes avant dans une fissure, ça tient au final ! On met beaucoup de temps à atteindre le sommet ainsi. On n’est pas aussi rapide que le guide !
Mais une fois en haut, c’est le bonheur ! Un repos bien mérité à l’heure du repas en plus ! On domine la vallée blanche et on a une vision panoramique sur les montagnes autour de nous. Le Mont Blanc du Tacul est juste derrière nous, avec son énorme sérac qui tient encore par miracle mais qui paraît bien menaçant.
C’est pas le tout mais on a encore de la route. Les distances paraissent courtes ici, car on a l’impression que l’Aiguille du Midi, là d’où l’on vient et où l’on repart, est toute proche. Mais on a bien marché quand même, et quand on voit les toutes petites silhouettes qui déambulent sur le glacier, on comprend qu’on est loin en fait !
On descend la Pointe Lachenal par la voie normale, qui se fait très très facilement (faut juste pas faire de pause quand on est sous le sérac du Mont Blanc du Tacul, question de sécurité). On marche à nouveau ensuite sur le glacier.
Et ensuite, le plus dur pour terminer ! Il faut regrimper sur l’arête et la suivre jusqu’à l’Aiguille du Midi. Avec le beau temps de la journée, il y a eu beaucoup de passage donc la trace sur l’arête est bien faite. Il n’y a qu’à la suivre, mais après une semaine de stage et cette grosse journée, certains ont les jambes lourdes (dont moi) alors que les autres n’arrivent pas à respirer normalement avec l’altitude et donc compliqué les montées..!
Même si on l’a déjà fait, marcher sur l’arête est toujours particulier. Surtout quand on regarde en bas et qu’on voit cet immense vide à quelques centimètres ! Ça me donnait comme une sensation de vertige !
Mais on arrive enfin à l’Aiguille du Midi ! Retour au point de départ : nous avons conquis l’inutile.
Fin du stage
On redescend à Chamonix par le téléphérique et direction l’UCPA. Bonne douche, debriefing de la semaine avec notre groupe et le guide. Puis soirée avec tout le monde car c’est la fin du stage ! Il y avait vraiment une bonne ambiance au centre tous les soirs en plus. On mangeait tous ensemble, buvait une bière… J’ai rencontré beaucoup de monde !
Ce stage a vraiment été formateur. Je suis ravi d’avoir pu revivre une expérience en haute montagne, d’avoir mis les crampons et utilisé le piolet. Et ça me motive beaucoup à me mettre à fond à l’escalade, car c’est la base de l’alpinisme pour continuer à progresser.
4 commentaires
2 jours au lac de Serre-Ponçon en van - Y a qu'à rêver · 21 juillet 2021 à 19h02
[…] continue dans les Alpes, après le stage d’alpinisme à Chamonix ! Direction le lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes, et avec mon utilitaire aménagé en plus […]
Trek des 3 cirques : Gavarnie, Estaube et Troumouse - Y a qu'à rêver · 23 juillet 2021 à 16h28
[…] mon stage d’alpinisme à Chamonix et mon séjour au lac de Serre-Ponçon, je comptais rester dans les Alpes du Sud pour faire un trek […]
En route vers l'Italie : départ de mon voyage à moto - Y a qu'à rêver · 16 mars 2023 à 21h49
[…] du tout de la butte de Suin, où j’avais dormi dans mon utilitaire avant d’aller faire mon stage d’alpinisme à Chamonix. J’aime vraiment bien ce coin de la France, il mérite à être plus connu je pense […]
Trek des 4 pics d'Almaty : de Furmanov à Shymbulak - Y a qu'à rêver · 24 août 2023 à 11h08
[…] Ce n’était pas si impressionnant que ça car pas si effilée (ce n’est pas l’arête de l’Aiguille du Midi !). Mais il ne faut pas avoir le vertige pour autant ! Je ne suis pas comme certains grimpeurs, […]