Arslanbob est un petit village de montagne dans le sud du Kirghizistan, peuplé d’ouzbeks. Il est connu pour sa forêt de noyers, la plus grande au monde, avec à proximité des cascades.
« Le froid, le silence et la solitude sont des états qui se négocieront demain plus chers que l’or. Sur une Terre surpeuplée, surchauffée, bruyante, une cabane forestière est l’eldorado. »
Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie
Arslanbob, le trajet
Il est assez simple de rejoindre Arslanbob depuis Och. En effet, une marshrutka (nom des minibus dans tous les ex-pays du bloc soviétique) y part tous les jours entre 13 et 14h depuis le nouveau terminal de bus.
C’est censé être direct, mais évidemment pour moi ça ne l’a pas été ! Ma marshrutka a dû s’arrêter à Bazar-Korgon pour un problème de surchauffe. Depuis cette ville, d’autres marshrutkas partent toutes les heures pour Arslanbob, à 50 kilomètres. J’ai donc changé de carrosse tout simplement. Mais ce dernier n’était pas des plus rapides…. Le bus est blindé, je suis même debout dans l’allée, et le chauffeur continue de faire des arrêts toutes les 5 minutes pour déposer ou prendre quelqu’un sur le bord de la route !
A ce moment, j’ai vraiment hâte de retrouver ma moto et de pouvoir faire moi-même les trajets…
Le CBT
Finalement, j’arrive à 18h à Arslanbob. Direction le CBT (Community Based Tourism) en premier. On trouve des CBT dans plusieurs villes et villages du Kirghizistan ; un peu l’équivalent de nos offices du tourisme en France. Le CBT de Arslanbob est tenu par Hayat, un homme passionné de montagnes et qui connaît par cœur sa région.
Il donne des informations sur les randonnées, il peut organiser des excursions, et il gère les hébergements. C’est surtout ce dernier point qui m’intéresse en cette fin de journée ! Il y a 21 homestay en tout à Arslanbob et le CBT est en charge d’y répartir les touristes. Le maison n°16 m’est attribuée !
Il n’y a souvent que 3 ou 4 lits dans ces homestay, l’équivalent d’une ou deux chambres dans la maison familiale. Dans la mienne, je suis le seul voyageur présent ! La famille est très gentille, et la femme parle un peu anglais ce qui permet d’avoir quelques échanges.
Bonheur du soir : la température descend et je peux dormir sans mourir de chaud (et tant mieux car il n’y a pas de clim !).
Arslanbob, village traditionnel
Arslanbob se situe bien au Kirghizistan mais il est peuplé d’ouzbeks. Ça en fait donc un village à part dans ce pays. J’avais lu que les habitants y sont très conservateurs et religieux, donc il faut faire attention à son comportement et à sa tenue vestimentaire (je ne comptais pas me balader tout nu dans le village de toute façon).
En pratique, ça ne m’a pas marqué plus que ça. J’ai d’ailleurs été reçu à mon homestay par un shooter de vodka. C’est pas très religieux !
Les touristes occidentaux sont rares encore à venir ici ; par contre les touristes ouzbeks et kirghizes s’y bousculent ! Si bien qu’il y a même une sorte de petite fête foraine à la sortie du village avec musique, piscine, stands, et possibilité de boire une petite bière. Pas très conservateur non plus. Mais comme partout : quand il y a du business à faire et un petit billet à prendre, la plupart des gens mettent de côté la religion pour un moment !
Petite cascade et panorama
Pour ma journée sur place, j’ai décidé de partir en randonnée évidemment. A 9h, je commence par me diriger vers la petite cascade. Elle est située près du village et est une attraction plébiscitée par les touristes, à en croire les « I Love Arslanbob » installé sur le petit pont face à la cascade pour faire des selfies parfaits. Beurk ! Heureusement pour moi, l’endroit est très calme tôt le matin.
Depuis ce pont, on voit toute la vallée, recouverte de végétation. Quel plaisir de voir tout ce vert après les déserts d’Ouzbékistan et les montagnes arides du Tadjikistan !
Un chemin permet de rejoindre ensuite un belvédère avec un superbe panorama sur le village et l’imposante muraille de montagnes dont le Babash Ata (4 490 mètres).
Un peu plus haut, nouveau panorama assez similaire. Mais cet endroit par contre est beaucoup moins calme car accessible en jeep. Les touristes locaux ne marchent pas, donc je suis tranquille sur les sentiers, mais ces endroits accessibles sont de suite pris d’assaut !
On y trouve des balançoires dans le vide, et les inévitables stands de tirs. Les kirghizes, comme les russes, sont fans de tirs et on trouve ces stands absolument partout dans le pays.
La plus ancienne et la plus grande forêt de noyers au monde
Je ne m’éternise pas à cet endroit et pars marcher dans la forêt, au calme. Arslanbob est connu pour sa forêt de noyers, la plus ancienne et la plus grande au monde. Dommage pour moi, ce n’est pas la saison de la cueillette, qui a lieu à l’automne. Vu comment j’adore les noix, je serais resté toute la journée dans la forêt à manger !
J’ai parcouru de nombreux kilomètres dans cette forêt et je n’ai pas croisé grand monde. Quelques locaux occupés à récupérer des herbes hautes pour en faire du foin. Et surtout des vaches et des chevaux.
Évidemment, la forêt est menacée… L’agriculture empiète année après année sur la forêt.
Parcours approximatif
Hayat, du CBT, m’avait indiqué qu’il était possible de rejoindre la grande cascade depuis la forêt sans repasser par le village. Sur maps.me, aucun sentier n’apparaît pour faire cette liaison.
Je prends quelques chemins au hasard dans la direction de la grande cascade. Je découvre des endroits assez reculés avec des fermes et maisons en bois.
Il est 13h et il fait chaud. Le chemin monte, monte…et j’en chie ! Heureusement, il y a de nombreux cours d’eau pour y plonger ma tête et remplir ma gourde.
La cascade est assez proche mais toujours aucun chemin pour redescendre dans la vallée. Tant pis, je finis par le créer moi-même ce chemin ! Je repère la pente qui me semble la moins abrupte et m’engage à travers prés. Je dérange quelques vaches et chevaux pendant leurs siestes.
De gros nuages ont recouvert les sommets des montagnes pendant que je gambadais dans la forêt.
Rendu en bas, magie : un minuscule pont en bois permet d’enjamber la rivière !
La grande cascade
L’entrée de la cascade se trouve juste après. Et oui, l’accès est payant (20 centimes d’euros) !
Deux options : grimper à un belvédère dans les éboulis ou bien marcher dans le canyon jusqu’au pied de la cascade. Vu le dénivelé que j’ai déjà fait et la chaleur de l’après-midi, je préfère la deuxième option !
Il faut enlever les chaussures et marcher dans l’eau. Et parfois escalader carrément ! Je trouve ça assez fun mais un peu dangereux avec le courant, les rochers glissants… Mais il y a même des familles qui s’y aventurent ! J’arrive au pied de la grande cascade après 20 minutes dans le canyon. L’eau est glacée !
Là je me pose la question de ce qui peut se passer si les gros nuages qui ont recouvert les montagnes se transforment en orage. A mon avis, le débit va sérieusement augmenter. OK, je ne traîne pas plus longtemps par ici !
Retour à Arslanbob par la piste qui longe la rivière. Je finis le dernier kilomètre avec un touriste ouzbek, de la vallée de Ferghana, qui vient tous les ans passer une semaine de vacances ici.
Une belle journée de rando avec 20 kilomètres parcourus dans les environs de Arslanbob. J’ai apprécié la diversité des paysages avec les montagnes, la forêt, les rivières, les cascades… Un peu de tout !
Le chauffeur fou
Le lendemain matin, il est déjà temps de quitter Arslanbob. Il y a tellement d’endroits à découvrir au Kirghizistan ! Je ne pensais pas me rendre dès maintenant à la capitale du pays, mais pour aller vers l’Est, il n’y a pas de transports en commun directs. Pas le choix que de passer par Bichkek ! Hayat m’a trouvé un taxi partagé qui y va directement donc parfait ! Les 600 kilomètres et 11h de trajet m’ont coûté 23 euros.
Bon, le chauffeur m’a vite gonflé par contre… Pour récupérer les trois autres passagers, il a passé au moins 15 appels, conduit 45 minutes…alors que le village est tout petit. Pas un champion de la logistique celui-là !
Le trajet jusqu’au lac artificiel de Toktogul se fait à travers des montagnes arides. Le chauffeur roule comme un cinglé avec des pointes à 150 km/h dans les descentes. Il avait fait sa prière avant de partir, et après chaque arrêt. Je place donc ma vie entre ses mains, qui lui-même place la sienne entre les mains d’Allah. J’espère vraiment qu’Allah va akbar aujourd’hui.
Donc pour se déplacer en Asie Centrale : soit c’est des marshrutkas qui n’avancent pas, soit des gros tarés de taxis. Pas de juste milieu ?! Pourquoi ce besoin de prouver sa virilité ainsi en voulant absolument doubler tout le monde ?
Je cherche à traduire en russe « roule moins vite connard ou je t’éclate la tête contre ton volant » mais un passager me devance et lui demande gentiment de ralentir lors de la pause déjeuner du midi. D’ailleurs, je suis surpris à cette pause de voir descendre du coffre un des passagers. Je ne le voyais plus alors je pensais qu’on l’avait déposé quelque part pendant que je m’étais assoupi. Mais non, il était parti faire une sieste allongé dans le coffre !
La belle route !
Après Toktogul, la route monte et les montagnes se recouvrent de vert. Des camps de yourtes apparaissent ici et là. Le Kirghizistan comme je me l’imaginais !
Au niveau de la vallée de Suusamyr, les yourtes vendent le fameux koumys, la boisson nationale. C’est du lait fermenté de jument, au goût très particulier et fort. Partout où on va au Kirghizistan, on se fait offrir un verre… Pas vraiment un cadeau mais ça ne se refuse pas !
Puis on parcourt les lacets qui montent au col de Too-Ashuu. Un sacré col celui-là ! Incroyable le nombre de voitures et camions à l’arrêt sur le bas-côté ! Soit ils sont en panne, soit les conducteurs se sont arrêtés près d’un cours d’eau et arrosent leurs moteurs pour le refroidir.
Un tunnel en haut permet de rejoindre l’autre versant. On a dû attendre une heure avant de le traverser car il est actuellement en travaux et la circulation est régulée.
Redescente ensuite vers le fond de la vallée et la chaleur ! On arrive à Bichkek à 19h30, soit après 11h de trajet ! C’était le plus long trajet de mon périple en Asie Centrale !
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Bichkek : visite de la capitale, entre architecture soviétique et bazar - Y a qu'à rêver · 27 juillet 2023 à 14h08
[…] suis arrivé après un long trajet depuis Arslanbob. Le taxi m’a déposé directement à une auberge que j’avais repéré, le Koisha […]